On a vu Passeport, la nouvelle pièce bouleversante d’Alexis Michalik

undefined 19 février 2024 undefined 09h25

Clemence Varene

Il est sans doute le dramaturge français le plus célèbre du XXIe siècle. À chaque nouveau spectacle, Alexis Michalik enchante les foules et attire un public de plus en plus fidèle. Et il nous propose aujourd’hui de découvrir l’histoire d’Issa, réfugié érythréen, qui se réveille un jour dans la Jungle, l'immense camp de migrants à Calais, sans aucun souvenir de son passé.


Michalik, un dramaturge engagé ?

Il est important de préciser qu’avant même de voir la pièce, de nombreux sons de cloche nous étaient parvenus aux oreilles concernant le sujet (les migrants donc), et le semblant d’engagement ou de militantisme dont voulait faire preuve Michalik. Ce à quoi il échouait, encore une fois selon diverses critiques.

Alors, nous, avant de donner notre avis, on préfère reposer les bases de ce qu’est vraiment cette pièce, et quoi de mieux pour ça que les mots de son metteur en scène lui-même ? « Ce n’est pas un théâtre militant ou documentaire, mais une histoire humaine, qui s’adresse à tous. » Voilà, maintenant que les choses sont claires, nous le serons aussi. Et nous, on a aimé.


Michalik, un conteur d'exception

Une fois encore, et dès les premières minutes de la pièce, on est bluffée par la capacité de Michalik à nous faire entrer dans une histoire, sans aucun souci. De la Jungle de Calais à Paris en passant par Mignaloux-Beauvoir (dans le Poitou), on suit chacun des personnages avec une fascination et un attachement particuliers.

Tous sont absolument bluffants d'humanité, de sincérité, et de réalisme. Que ce soit Jeanne, née à Toulouse de parents maliens, Yasmine, qui a grandi en Bretagne et pensé pendant très longtemps qu’elle était la seule Arabe du monde. Arun l’Indien, Ali le Syrien, ou encore (et surtout) Issa, un Érythréen bouleversant d’humanité, laissé pour mort un jour au milieu du camp, et qui ne sait plus rien de son histoire.

Alors au milieu d’individus de tous horizons qui apportent tour à tour leur joie, leur douceur, leur colère ou leur faiblesse, le jeune homme se débat comme il peut pour avancer dans la vie, en inventant ou en reconstruisant. Mention spéciale à la scène où il découvre le mille-feuille administratif français et ses acronymes à coucher dehors, on a beaucoup ri. 


Michalik, un manipulateur d’émotions

Tout au long de la pièce, Michalik et ses acteurs (tous excellents) jouent avec nos émotions. On rit, beaucoup, mais on est aussi touchée, beaucoup. Et puis le dramaturge maîtrise parfaitement le suspense. Une fois n’est pas coutume, il nous offre un plot twist auquel personne ne s’attendait, et ça marche admirablement bien.

Alors oui, avec une notoriété et un succès tels que les siens, il pourrait être plus engagé, porter un message fort qu’il effleure à peine ici (et peut-être un peu maladroitement, certes). Mais le fait est que la pièce est belle, parfaitement mise en scène, et qu'on se laisse porter sans problème. Preuve en est : standing ovation de plusieurs minutes de la part du public à la fin, et on trouve que c’est amplement mérité.


Passeport

Théâtre de la Renaissance
20, boulevard Saint-Martin – 10e
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