[ENQUÊTE] Paris, encore et toujours ville de l’Amour ?

undefined 2 mars 2023 undefined 16h46

Auriane Camus

Ahhh Paris… Sa gastronomie, ses monuments, ses lumières, l’amour qu’elle nous inspire… Depuis la fin du XVIIIe siècle, la capitale française est considérée comme LA ville romantique par excellence, celle où l’amour naît et renaît, où des demandes en mariage grandioses sont faites au pied de la Tour Eiffel illuminée, bref, la ville de l’Amour avec un grand A.

Ce n’est certainement pas Emily in Paris qui vous dira le contraire. D’après un sondage Ifop dévoilé le 14 février dernier, la série produite par Netflix aurait largement redoré l’image de la capitale auprès des Américains : entre autres, 54 % des fans d’Emily rêveraient de s'installer à Paris. Car oui, dans les yeux de l’héroïne, Paris est la ville la plus romantique du monde et elle compte bien nous le montrer : balades nocturnes en plein cœur de Montmartre, dîners romantiques avec vue sur la capitale, passage devant le mur des Je t’aime… Même le parc de la Villette à l’air d’être mignon.


© Salomé Rateau

Oui, mais. Près de trois siècles après la naissance du mouvement romantique, Paris peut-elle être encore considérée comme la ville de l’Amour ? Nous sommes allées interroger les Parisie·nn·es, mais aussi les touristes, à ce sujet.


Une ville idéalisée selon les Parisien·ne·s

Si les avis divergent, même parmi les habitants de la Ville Lumière, il n’est pas rare d’entendre les Parisien·ne·s dénigrer leur terre d’accueil. En cause : la saleté, la pollution, la foule permanente, l’insécurité, mais aussi les problèmes de transports. Selon un sondage Ifop réalisé en 2021, plus de 8 Parisien·ne·s sur 10 pensent que « la capitale est sale ». Entre les ordures sur la voie publique, le mobilier urbain abîmé ou encore les 10 millions de mégots jetés par terre chaque jour, difficile de voir Paris sous son meilleur jour.

Pour Achille, 23 ans et résidant dans le 18e, Paris se résume à « du monde, de la saleté, des restaus blindés » et n’est pas du tout propice à un moment romantique, qu’il soit passé seul ou à deux. Cha, journaliste de 24 ans, évoque également « le bruit », mais aussi « l’extrême violence sociale » de la capitale, liée par exemple aux « personnes qui font le manche devant des magasins de luxe » et qui rend difficile la vision romantique de Paris.


© Unsplash / Alex ovs

Pour d’autres, Paris est loin de faire figure d’exception en termes de saleté et de densité importante. Si elle n’a jamais vraiment habité au sein de la capitale, Nadine, 64 ans, a beaucoup visité Paris, au même titre que de nombreuses autres capitales européennes et mondiales. Elle estime que « toutes les très grandes villes sont victimes de la surpopulation et de la saleté, ce n’est pas qu’une histoire de Parisien·ne·s ». Pour elle, « le romantisme d’une ville se ressent plutôt dans son histoire, son architecture ou son offre culturelle ».


Paris, berceau du romantisme

C’est quoi, d’abord, une ville romantique ? Si on s’en tient à la définition du Larousse, le romantique, c’est quelque chose « qui, par nature, touche la sensibilité et l'imagination, invite à l'émotion et à la rêverie, à l'expression des sentiments ». Bref, le romantisme, c’est ce qui nous fait croire qu’on vit une histoire à la Woody Allen ou Jean-Luc Godard. De ce point de vue-là, peu de doutes, Paris est bel et bien une ville romantique. C’est en tout cas le point de vue d’Annabelle, 29 ans, qui vit dans le 15e : « N’importe quelle balade à Paris nous fait sentir dans un lieu un peu magique. Entre les rues pavées, les saules pleureurs qui bordent les quais, les amoureux qui se câlinent sur les bancs publics, les terrasses toujours en effervescence, les paysages qui changent à chaque coin de rue… Paris c’est un peu tout à la fois. »

Dans la définition plus classique du terme, le romantisme est un courant littéraire, culturel et artistique né à la fin du XVIIIe siècle en Europe. Il aspire au romanesque, à l’imaginaire, à l’exotisme et à l’aventure, il décrit la nature, exprime les sentiments et états d’âmes, mais explore aussi la mélancolie et le morbide. Il invite à l’exaltation. C’est d’ailleurs grâce (ou à cause) de lui qu’on a commencé à surnommer Paris la ville de l’Amour. La capitale française a en effet été l'un des grands foyers du romantisme : Victor Hugo, Georges Sand, Alphonse de Lamartine… Tous sont passés par Paris et ont contribué à cette vision romanesque de la capitale.


© Unsplash / Adrien

Le cinéma a, lui aussi, fortement permis de cultiver le charme de la Ville Lumière : Midnight in Paris, Amélie Poulain, À bout de souffle, French Kiss… Autant de films qui se déroulent à Paris et qui lui donnent une image romantique, glamour, parfois mystérieuse. Plus récemment, l’industrie des séries s’est également intéressée au potentiel romantique de la capitale française, Emily in Paris en est l’exemple parfait.


Le Paris carte postale d’Emily in Paris

Du jardin des Tuileries au Canal Saint-Martin, en passant par les plus beaux restaurants et musées de la capitale, Emily nous dépeint un Paris de carte postale. Vision fantasmée ou réalité ? Pour Jenny, qui vit en République Tchèque, Paris a effectivement tout du fantasme : « J'avais de grosses attentes avant d'y venir pour la première fois, mais malheureusement, j'ai été vraiment déçue. Il est clair que les lieux touristiques tentent de rendre Paris super romantique, mais j’ai eu l'impression que c’était gâché par la saleté des rues, ou les centaines de vendeurs de rues qui venaient nous aborder. En plus, presque personne ne voulait faire l’effort de parler anglais, notamment dans les restaurants ». Bien qu’elle ait adoré la perception très lumineuse et sublimée de la capitale au sein de la série, elle affirme bel et bien que « cette vision n’est pas réaliste ». 

À l’inverse, pour Gabriel, Canadien de 38 ans, Paris a tout d’une ville romantique : « C’est la destination idéale pour un voyage en amoureux. J’adore ses petites ruelles, ses monuments et ses théâtres. Il y a toujours quelque chose d’excitant à faire ici ». Bien qu’il reconnaisse un manque de propreté à certains endroits de la capitale, « la dernière fois que je suis venu, j’ai vu un rat passer devant moi », il estime que cela n’enlève rien au charme de la ville de l’Amour : « c’est partout pareil vous savez, en ville, ça pue, il y a du monde, on se fait souvent emmerder. Mais si on prend le temps de lever les yeux et d’admirer ce qu’il y a de beau, Paris est magique. »


© Salomé Rateau

Du côté des Français ne vivant pas dans la capitale, les commentaires sont nettement moins enthousiastes. Nombreux sont ceux qui critiquent la saleté de la ville, au même titre que les Parisien·ne·s qui y vivent au quotidien. Le facteur financier, enfin, peut entrer en compte : Adrien, d'origine lyonnaise, souligne par exemple que « tout ce qui est à destination romantique est hors de prix » que ce soit en termes d'activités, de restaurants ou de visites touristiques. Alors, Paris ville de l'Amour ? Seulement pour qui veut bien le voir.

Et pour aller plus loin…