Les abris souterrains oubliés de Paris

undefined 8 juin 2017 undefined 18h37

Tiana Rafali-Clausse

Quand on vous dit que Paris est une petite cachotière… Loin des regards curieux se cachent des abris souterrains oubliés, jadis des refuges où allaient se terrer les Parisiens et soldats lors de la Seconde Guerre mondiale. Parigramme a écumé les entrailles de la capitale pour ressortir avec les emplacements exacts de ces trésors perdus. Allons ensemble découvrir la capitale en profondeur…


Descendez, tout le monde se cache

On a du mal à s’imaginer l’ambiance de Paris en guerre et sous l’Occupation, et pourtant il en reste des traces qui font froid dans le dos… Dès 1935, plus de 40 000 abris civils dont 250 étanches au gaz étaient disséminés dans les sous-sols de Paris. Dès qu'une alerte aérienne retentissait, les Parisiens se pressaient pour se sacher dans l'abri le plus proche, guidés par des chefs d'îlot et des luminaires permettant d'identifier les abris de nuit. Tous ces abris devaient être approvisionnés en vivres et en eau potable mais aussi en pelles, pioches, haches et scies pour dégager les éboulements. Il était recommandé d'avoir un sifflet ou une sirène pour annoncer sa présence en cas de pépin. 

Pour découvrir cet univers largement méconnu, on a sélectionné pour vous un petit florilège des abris souterrains qui se cachent encore dans les entrailles de la capitale : 

 Renfort d'une cave par des madriers en bois


Les caves utilisées comme abris civils

« Pendant la Première Guerre mondiale, j'ai fait la connaissance de notre voisine de palier dans la cave où nous nous retrouvions lors des alertes à la bombe. Elle me donnait du chocolat. » Extrait d'une interview de Gisèle Casadesus dans Mission Capitale (n°49, automne 2014).

« Les caves-abris affectées à la population avait pour but de la protéger contre les effets de souffle des bombardements, les éclats des projectiles, et l'effondrement des immeubles », explique Gilles Thomas dans son ouvrage Abris souterrains de Paris, refuges oubliés de la Seconde Guerre mondiale. A noter que les caves d'immeubles de plus de quatre étages étaient considérées comme protégées par le bâtiment. Les autres étaient soumises à une visite d'un architecte de la Défense passive qui statuait sur la nécessité ou non de les renforcer. Des caves qui étaient donc bien plus utiles qu'aujourd'hui où elles n'accueillent guère que de vieilles armoires, ou au mieux, quelques bonnes bouteilles... Et la prochaine fois que vous descendez dans votre cave, ouvrez grand les yeux, il se peut que vous tombiez sur un vestige. Il resterait encore certains sacs de sable distribués par la Défense passive, organisée pour mettre en sécurité la population en cas d'alerte aérienne, à l'époque...

 Abri civil


Les dessous du Palais de Chaillot

« Alerte aux gaz n'ouvrir qu'une seule porte à la fois », c'est intriguant, non ? On est d'accord. Construit pour l'Exposition universelle de 1937, le Palais de Chaillot respecta la loi d'avril 1935 imposant l'aménagement d'abris pour toute nouvelle construction. Ainsi, on passait vite de la fiction à la réalité dans les théâtres de la ville puisqu'ils devenaient des échappatoires souterrains. Bon à savoir : en temps de guerre, les strapontins ont été interdits pour permettre une évacuation rapide et sans encombre. Pas de problèmes de grincements pendant les pièces, donc.

 Dessin abrité


Un métro peut en cacher un autre

Lors de la Seconde Guerre mondiale, c'était un appel loin de celui qu'on connaît qui faisait courir les Parisiens dans le métro. Construits plus de trente ans plus tôt, les stations et tunnels du métro avaient l'avantage d'être déjà planqués et étanches. Aussi, dès que les alertes retentissaient, le trafic était condamné pour permettre aux usagers de s'abriter en sous-sol. Bien sûr, on y a fait des aménagements : adaptation des systèmes anti-gaz, air respirable dans tout le réseau... 

Au-delà de ça, en raison du manque de personnel et de la pénurie d'électricité, plusieurs lignes ont été fermées au public. Résultat, certaines d'entres elles ne rouvrirent jamais telles que Croix-Rouge, Arsenal, Champ-de-Mars et Saint-Martin.


Le bunker sous la gare de l’Est

Epoustouflant ! A Gare de l’Est, sous les milliers de voyageurs qui courent pour attraper leurs trains, se dérobe un bunker datant de la Seconde Guerre mondiale. Encore propriété de la SNCF, cet abri de 120 m2 servait lors des bombardements et est toujours en très bon état. Un retour en arrière aussi incroyable que détonnant.

 © Neverends 


Un abri libidineux

Avant l'adoption de loi Marthe Richard, en 1946, Paris était mondialement reconnue pour... ses maisons closes. Celle du 122, rue de Provence, nommée One Two Two était l'une des plus réputées. Elle nous intéresse aujourd'hui grâce à son abri bétonné caché au sous-sol, au cas où. Plutôt fier de cette idée, l'architecte Léon Louvet fit fabriquer 5 000 boîtes d'allumettes pour la promouvoir. It's getting hot in here !

 © Diane Dufraisy-Couraud


De sombres galeries 

En plus des nombreux abris, la Défense passive creusa des "tranchées-abris" de 1,5 m de large et de 2 m de haut, fermées par un plafond en béton armé. En janvier 1939, c'étaient 23 km de tunnels souterrains qui étaient cachés dans la capitale et une dizaine de plus en septembre 1940 ! Seulement, très vite, ils prirent une toute autre utilisation pour des Parisiens plus malicieux que stressés : ils utilisaient ces galeries pour des décharges clandestines, à l'abri des regards... Encore une fois, ouvrez l'œil !

 Accès à un abri creusé sous une pelouse de l'hôpital Sainte-Anne


Des infirmeries cachées

En fait, c'est toute une ville parallèle qui était terrée sous les pavés parisiens, le plus souvent sous des hôpitaux, des mairies (3e, 11e, 13e, 16e et 19e) ou des établissements scolaires. Pour soigner les expositions aux gaz toxiques, des postes de secours ont donc été aménagés dans les sous-sols. Organisés presque comme de vraies infirmeries en surface, ils disposaient de différentes salles : pharmacie / femmes / asphyxiés / suffoqués / hommes / triage / douches / blessés légers / "Reposez-vous et attendez l'évacuation". 

 Maquette d'un poste de secours sanitaire © G. Desrousseaux


Des carrières bien utiles

Ce n'est pas un secret, nous vivons sur d'anciennes carrières, utilisées jadis pour construire nos immeubles, mais pas que ! Celles de calcaire en proche banlieue ont servi pendant la Seconde Guerre mondiale de vastes abris pour la population. On pense notamment à celle de Meudon, dont la capacité était de plusieurs centaines de personnes. 

 L'abri Lhomond


Vu au cinéma

Si l'abri administratif "Rol Tanguy" vous est familier, c'est parce qu'il est apparu dans le film Paris brûle-t-il ?. Au-delà de ces faits d'arme, cet abri était le QG de l'insurrection en août 1944 et se trouvait sur la voie d'entrée probable des libérateurs de Paris, rien que ça ! Situé dans le quartier de Denfert, il fallait quand même emprunter un escalier en colimaçon et descendre 20 mètres sous terre. Autant dire que les peureux n'y avaient pas leur place... 


Un ancien abri reconverti

Pourquoi ? Tout simplement parce que notre musée du Vin (autant dire un joyau de la nation) est installé dans une ancienne carrière, un temps transformée en abri de la Défense passive. Gloups.

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En savoir plus sur les abris souterrains et Paris sous l'Occupation :

"Abris souterrains de Paris", refuges oubliés de la Seconde Guerre Mondiale
Gilles Thomas
Photos : Diane Dufraisy-Couraud
Editions Parigramme