Comment la culture rave a inspiré la mode

undefined 1 février 2017 undefined 00h00

Agathe

Un phénomène atteint la maturité dans l’ensemble des strates socioculturelles lorsqu’il finit digéré par l’industrie textile. La preuve de sa légitimité se drape alors sur des milliers de personnes inconscientes de la sémantique exacte de leur dégaine. C’est désormais le cas de la culture rave et, plus largement, de la culture club. 


S’il y a bien quelque chose d’inhérent au monde de la mode, c’est son éternel schéma cyclique. Certains y verront un réchauffé nostalgique indigeste, vomi à intervalles réguliers, d’autres un juste retour aux choses qui permet d’analyser ce qui marque notre société. Les couloirs des runways ne sont jamais loin des couloirs de la vie, voyez-vous. 

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Les racines de la culture rave, du clubbing et de la musique électronique surgissent du besoin de sublimer la crise industrielle et sociale du Détroit des années 80. Mouvement repris et rapidement diffusé dans une Europe ébranlée par la Guerre Froide. Par filiation, cette crise d’un âge industriel qui s’étiole face aux problématiques d’un nouveau millénaire profondément numérique s’est traduite par l’émulation d’une jeunesse avide de renouveau. Un nouvel art de vivre s’est répandu à tire-d’aile, porté par de nouvelles sonorités, de nouvelles techniques, une nouvelle façon d’interagir et donc, de s’habiller : la techno.

Qui veut faire réagir un groupe dispose de deux méthodes : l’appropriation ou le rejet de ses codes. L’esthétique sombre des bâtiments en ruines a pétri l’underground britannique et allemand. L’essor des free parties en France en est également le symptôme et, plus récemment, le mouvement rave d’Europe de l’Est post-URSS. Inversement, à New York, la scène voguing tout comme les clubs kids de la fin des années 80-début 90 développaient une esthétique flamboyante, outrancière aussi bien dans l’apparat que dans l’art festif.

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Alors que l’effet ricochet de cette période de trouble nous tacle en pleine tête, c’est l’ensemble de la communauté mode qui célèbre aujourd’hui cette culture. Le mouvement rave n’ayant pas pris une ride, il n’est pas incohérent de le remettre en avant.

Hood By Air, Gosha Rubchinskiy, Vetements, Anthony Vaccarello, Gucci, Fendi, Marc Jacobs ou encore Alexander Wang en faisaient leur cheval de bataille pour les collections printemps-été 2017. L’intégralité du prisme 90's était exploité : scénographies faites de néons, bandes-sons typiques et reprise presque littérale des codes vestimentaires de l’époque. On aura vu passer du filet, des plateformes, des couleurs flash, des monochromes obscurs, du jogging et des logos. 

Les hangars se repeuplent de fêtards au même rythme que les squats accueillent de grands événements mode. Ultime fait d’arme : Dior Homme, le mois dernier à Paris, et son défilé automne-hiver 2017 aux inspirations techno hardcore revendiquées. Baptisé HarDior, on y observait de jeunes gens déambuler en pull oversized, en baskets et en bob troués. Le parfait accoutrement du teuffeur.

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Dans la même veine, Topman présentait à Londres une collection prêt-à-porter 2017-2018 en hommage à « la scène clubbing et pubbing » dans un décor de béton armé, baigné dans une house crachée à pleines baffles. Kenzo, dans la foulée, dévoilait son court-métrage Club Ark Eternal, pour cette saison, toujours en hommage à la culture club.

Les designers entretiennent un lien étroit avec les clubs et la population qui les peuple. Plus verticalement, on notera, par exemple, la participation de Charlie le Mindu à la direction artistique du Salò, en décembre dernier.

L’effervescence de la culture rave et son impact comportemental figurent une clef essentielle dans la quête de compréhension du monde que mène la mode. Le club est un laboratoire humain. La fête n’est pas qu’un sas de décompression pour une jeunesse désabusée et la sape l’a parfaitement bien compris.

Dis-moi ce que tu portes, je te dirais où danser.