Le Salò, une nuit parmi les 120 de Sodome

undefined 25 octobre 2016 undefined 00h00

Agathe

L’annonce est tombée sans qu'on s’y attende : Le Salò ouvre ses portes, sur les cendres de ce qui fut un temps le temple de la nuit underground fin 2000. Porté par un espoir de résurrection mêlé à une nostalgie doucereuse, l’antre du défunt Social écarte de nouveau ses cuisses pour les irréductibles insomniaques, les mondains, les artistes.  


Alors que beaucoup ont pleuré la fermeture d’un Social Club qu’ils boudaient jusqu’alors, que d’increvables parasites teubés accusaient une mort subite et que tous l’ont laissé périr sans mot dire, le 142, rue Montmartre s’est brusquement relevé. Il me fallait le voir pour le croire. Quelque part motivés par l’ado droguée que j’étais quelques années auparavant, les bains de foule et les courbettes font également partie de mes obligations professionnelles. C’était d’une pierre deux coups, back to basics bébé.    

Je n’ai jamais été ponctuelle, cette disposition pratique est proscrite de mon ADN. Arrivée à destination aux alentours de 23h, j’avais donc raté l’intégralité des performances, du ballet boulevardier en face des objectifs de la hype, du tour de chauffe, de ce qui se fait partout. C’était l’heure d’entrer dans le vif du sujet, de voir ce que le Salò avait véritablement dans le ventre.

Une foule informe s’amassait à l’entrée. C’était le grand le soir, il fallait y être, il fallait pouvoir en témoigner, le snaper, l’instagramer, quitte à attendre dans la fraîcheur des premiers surgeons hivernaux. Bande de cassos. Le pas posé à l’intérieur, aucun bouleversement critique. Tiens, voilà le même escalier qu’en 2009, toute cette histoire pue le home-staging.

Déambulant vers le cœur de l’enfer, je tilte alors que non, je ne suis pas en train de revivre un mauvais rêve. Ces écrans disposés sur les parois de la glissière qui diffusent en continu des extraits de Pasolini changent la donne, crient à la renaissance. Salut Salò, ça va ?   

Je sais que ces gens que j’observe se dandiner sur de l’électro au cœur d’un bâtiment éclaté n’ont jamais lu le Marquis de Sade. Je sais que peu d’entre eux ont supporté la vue du film de Pasolini. Et moi non plus, d’ailleurs. Ces gens sont mes amis, pour la plupart des crevards de la presse, de la mode et de la com' au sens large. Que la fête commence !

Etonnamment, le Salò a du charme avec ses murs déchiquetés, ses bâches et ses planches de bois disposées ça et là faisant office de meubles, de bar. Cet esprit industriel tranche avec la coquetterie des convives. La pré-ouverture du Salò : squat 2.0. Voilà un chantier agréable dans lequel il fait bon vivre. L’espace a été repensé, c’est quand même cool de réussir à se promener. 

Autour de moi, tout le monde a l’air ravi. Je ne sais pas si les vapeurs d’alcool y sont pour quelque chose mais la chaleur ambiante semble crisper les sourires sur une majorité de faciès. « Club artistique consacré aux mouvements alternatifs attachés aux principes de contre-culture, d'indépendance ou de libre-expression » qu’on m’a dit avant de venir. Pourquoi pas. Il règne effectivement ici une ambiance de créa, ça se tape sur l’épaule, ça s’émerveille du projet et c’est tant mieux. De là à parler de subversion, on verra à l’ouverture effective du 10 novembre prochain.  

La musique est bien, je suis contente, et je suis super bourrée, aussi. Mon corps se dirige vaillamment vers la piste de danse. Les sons s’enchainent sans accrocs. Dans son mini booth, le (la ?) Dj opère modestement pour le plaisir de tous. Pour une fois qu’une bande de connards ne s’entasse pas derrière lui, c’est plaisant. Les plus avides d’altitude ont su se hisser sur l’estrade pour rôder leurs sauts de chat. Je suis en bas, je les observe. J’ai tout de même franchement l’impression de participer à une réunion d’anciens élèves Bromance qui aurait dérivé en démolition party, ce spectacle est grandiose.

Donc, le Salò c’est tout nouveau, le Salò c’est pas le Social, le Salò c’est l’avenir de la nuit. Ok. Jusqu’ici y’a de l’idée. Je salue l’effort, la scénographie et le résultat d’un premier jet plus que prometteur. Cependant, et même si l’envie de se démarquer de l’identité première du 142, rue Montmartre reste légitime, Salò m’a surtout l’air d’un Social qui a grandi, mué en une jolie amazone un peu queer qui fourmille d’idée novatrices et de projets artistiques. Ce qui est bien, c’est que nous aussi on a grandi et qu’il paraît donc intuitif de suivre le rythme.

Telle une Miley Cyrus s’arrachant sa perruque blonde de pauvre Texane Walt Disney, le Salò a brûlé les derniers oripeaux d’une époque révolue pour le bien-être commun.

Merci, c’était chouette, du peu que je me souvienne...