Depuis quelques années, le cinéma brésilien affiche à la fois une belle vitalité et une belle complicité avec son homologue français. Après le succès mérité d'Aquarius en 2016, on avait hâte de voir ce que cette nouvelle et prometteuse prod' franco-brésilienne allait donner. Autant vous le dire tout de suite, on n'a pas été déçu, bien au contraire.
Clara est à la recherche d'un emploi. Plutôt solitaire et d'un tempérament discret, elle a presque complété sa formation d'infirmière, et cherche un boulot régulier pour pouvoir rassurer sa logeuse, Mme Almeida. Elle postule donc chez Ana, qui vit dans les beaux quartiers de São Paulo, de l'autre côté du fleuve. D'abord réticente, Ana va finalement engager Clara comme aide à domicile pour l'aider à préparer l'arrivée de son bébé, mais aussi pour lui tenir compagnie, car le contact passe bien entre les deux jeunes femmes. Un soir de pleine lune, Clara surprend Ana en pleine crise de somnanbulisme, fouillant le frigo...
Ce qui interpelle dès les premières minutes du film, c'est son esthétique très soignée. Les plans rapprochés sur les visages des deux protagonistes, qui composent presque exclusivement la première scène de l'entretien, sont d'une pureté picturale et d'un réalisme assez frappants. On est plongé instantanément dans l'intimité des personnages, et la moindre de leurs émotions se traduit physiquement à l'image plus qu'elle ne s'exprime par le jeu des actrices ou les dialogues. Cette tension dans la mise en scène installe une ambiance assez surnaturelle, renforcée par un rythme très lent, presque hésitant, et une lumière bleutée quasi permanente.
Notre histoire se déroule principalement de nuit, dans un São Paulo aux allures futuristes baigné de pluie. On pense immanquablement au clip de Thriller de Michael Jackson, et cette même sensualité étrange qui imprègne le métrage se verra confirmée par un événement proprement horrifique introduisant la deuxième partie. C'est alors que le film se transforme, s'emballe, et d'une romance à l'ambiance très contemplative, on passe à un film aux genres multiples, alternant génialement entre film d'horreur, fantastique, comédie musicale et satire sociale. Au final, on aura l'impression d'avoir vu quatre films différents pour le prix d'une séance, c'est sympa.
Avec Les Bonnes Manières, le duo Rojas/Dutra propose un film d'une originalité folle qui exploite avec brio différents univers et leurs imageries propres. En multipliant les genres au sein même de sa narration, cet ovni cinématographique témoigne d'une modernité passionnante tout en foisonnant de références. Tout ça est très réjouissant !