C'est en écoutant tout ce que j'ai pu trouver de Thylacine sur YouTube que je rédige cette critique. Pourquoi le mentionner ? Parce que sa musique est vraiment cool, d'abord, et surtout parce qu'il signe une bonne partie de la bande originale du film, lui conférant ainsi une ambiance planante et arty qui lui donne toute sa saveur.
Moi qui ai l'habitude de taper sans retenue sur la comédie française dès que j'en ai l'occasion, c'est-à-dire dès qu'une comédie française sort, me voilà bien emmerdé. Comment vais-je expliquer à mon fidèle public (salut maman !) que cette comédie-là, qui est française, est excellente ? Je sais, je vais dire que bien qu'il soit catégorisé comme tel, Gaspard va au mariage n'est pas une comédie. Ouf, on n'est pas passés loin du drame, j'ai failli perdre d'un coup d'un seul l'entièreté de ma crédibilité journalistique.
Bon, si ce n'est pas une comédie, qu'est-ce donc ? Le film nous raconte l'histoire d'un jeune gars, Gaspard, qui va à un mariage donc, celui de son père, coureur invétéré depuis la mort de sa mère quand il avait 5 ans. En chemin, il rencontre Laura, qu'il convainc de jouer le rôle de sa compagne jusqu'au mariage, moyennant finances. Les faux amoureux débarquent par un matin brumeux dans le zoo familial (au sens propre), théâtre de l'enfance de Gaspard, qu'il a passée entre son grand frère Virgil et sa jeune sœur Coline.
On comprend vite que Gaspard a fui la fantasmagorie du lieu et des gens qui l'ont vu grandir, mais qu'il y est malgré tout grandement attaché. Cette tendre nostalgie va vite se transformer en quelque chose de plus ambigu, à mesure que sa relation avec Laura évolue et que sa sœur, qui en passant se prend pour un ours, s'en aperçoit. Dès lors, d'une simple comédie de mœurs figurant des personnages fantasques dans un joli décor, le film se transforme en une réflexion passionnante sur le désir, sur le rapport à la sexualité entre frère et sœur, sur la persistance de la mémoire, sur l'enfance, bref, en un mot, sur la famille.
Mais ce qui rend le film encore un peu plus spécial, et qui fait d'Antony Cordier un cinéaste différend de ses contemporains, ce sont les chouettes idées de mise en scène dont il fourmille. En jouant en permanence sur les oppositions - par exemple entre la contemplation de la nature et la musique électronique sombre, lourde et entêtante qui l'accompagne -, en entretenant un équilibre fragile entre dramaturgie et comédie par le jeu très distancé de ses acteurs, tous excellents d'ailleurs, il propose un film original, émouvant, visuellement jouissif et dont la bande originale nous transporte dans une sorte d'intimité joyeuse et grave, le tout enrobé d'une fine couche d'érotisme animal. Un film complet quoi.
Gaspard va au mariage est donc l'excellente surprise de ce début d'année côté "comédie" française, un film sautillant, réjouissant, intelligent, qui se regarde autant qu'il s'écoute, qui fait rire autant qu'il émeut. Un film qui nous donne envie, en fait, d'accompagner Gaspard à ce mariage, et de retourner vite au cinéma.