Pourquoi tout le monde devrait voir King Kong Théorie au théâtre de l\'Atelier

undefined 6 juin 2018 undefined 17h52

Olivia

Onze ans avant #Metoo, Virginie Despentes posait les bases d’un "nouveau féminisme" avec son premier essai King Kong Théorie. Cette autofiction évoquant entre autres la prostitution, le viol ou encore la masturbation a pu choquer par ses propos brutaux, notamment à l'époque de sa publication, alors qu'elle énonçait pourtant clairement des sujets encore tabous aujourd’hui. Adapté au théâtre de l’Atelier jusqu’au 7 juillet, ce texte joué par trois comédiennes nous a embarquée.  


La représentation commence tout de suite très fort. Trois comédiennes – Anne Azoulay, Marie Denarnaud et Valérie de Dietrich – ont été choisies pour jouer cet essai à la première personne. Le texte très dense est ainsi conté par ce trio féminin qui dialogue entre lui mais aussi avec le public. 

Les mots sont forts. On commence par cette histoire de viol, dont l’auteure a elle-même été victime à 17 ans. L’idée du propos, dépasser cette humiliation que les femmes violées peuvent ressentir. Pourquoi est-ce la victime qui a honte, et pas « celui qui a sorti sa queue », questionne une des actrices. On aborde aussi la prostitution. « Faire le tapin, c’est addictif, c’est comme une drogue dure. Au début ça nous fait planer, puis après on peut plus s’en passer. »

Une caméra est aussi présente sur scène. Tour à tour les comédiennes s'expriment de face, en plan rapproché, tandis que l’image est projetée en simultané sur le mur. Les paroles de ces femmes qui disent les choses et les actes invisibilisés sont amplifiées, presque plus puissantes. 

Sur scène, les actrices fument, boivent, se travestissent un peu à l'aide de perruques et de fausses moustaches. Complètement happé, le public se trouve aussi à rire de situations un peu gênantes car socialement inacceptables – une simulation d’une scène porno qui se termine en éjaculation faciale ou encore l’utilisation d’un gode-ceinture...

Vient le sujet de la masturbation féminine où les spectateurs sont invités à participer. La caméra est désormais face au public : « Quelqu’un a-t-il envie de s’exprimer sur la question ? » Toussotements, silence gênant… Deux-trois courageux prennent la parole. Une jeune femme qui n’a pas la trentaine lance : « nous avec nos copines on en parle pas mal ». « C’est aussi beaucoup plus commercialisé » renchérit une spectatrice plus âgée. Alors que la masturbation masculine est quelque chose d’acquis, la masturbation féminine demeure taboue.

Plus que de réclamer une égalité entre les sexes, c’est l’autonomie des femmes, leur faculté à disposer de leur corps et à investir leur vie que Despentes revendique dans ce texte. À la fois brutal et poignant, King Kong Théorie questionne en profondeur les rapports entre les hommes et les femmes tout en nous donnant les clés pour investir notre vie. 

Une adaptation qui ouvre les yeux sur le chemin parcouru mais qui reste encore bien long. 


King Kong Théorie, mis en scène par Vanessa Larré
Théâtre de l’Atelier

Jusqu’au 7 juillet