Un vestiaire solidaire pour les migrants en haut d’une église

undefined 29 janvier 2019 undefined 14h37

Sarah Leris

Le mercredi après-midi, dans le pigeonnier de l’église Saint-Bernard, les bénévoles reçoivent les dons de vêtements. Ils s’affairent, montent les sacs en haut de l’escalier en colimaçon, déplient les vêtements, les replient, passent au peigne fin chaque écharpe, chaque bonnet, chaque pull.


Il faut être efficace, car ils n’ont que quelques heures. Le Vestiaire des Migrants existe depuis maintenant trois ans et, chaque semaine, une petite dizaine de bénévoles récupèrent et proposent gratuitement des vêtements à des personnes dans le besoin, offerts par des particuliers et par Emmaüs Défi. Malheureusement, la pièce exiguë dont ils disposent les empêche de stocker autant d’habits qu’ils le voudraient.

©Naïs Bessaih

Mais déjà samedi arrive, 8h30 à Barbès-Rochechouart, heure à laquelle une centaine de migrants font déjà la queue dans le froid de l’église. Ils se voient donner un ticket sur lequel est inscrit un ordre de passage, puis demander de revenir entre quelques minutes et quelques heures plus tard. En attendant, ils vont boire un café au coin de la rue. C’est là qu’on rencontre ce jeune migrant venu tout droit de Guinée, seul, à la recherche d’un travail pour nourrir sa famille restée là-bas. Ou cet adolescent du Darfour, qui aimerait reprendre des études dans le secteur de la vente mais qui ne trouve aucune alternance. Certains sont souriants, d’autres plutôt fermés, peu étonnant au vu des nombreux traumatismes subis lors de leur long voyage, mais tous ont décidé de rester positifs. Ici, on blague, on rit, et on oublie le temps qui passe.

10h. Cinq personnes à la fois grimpent l’escalier escarpé de l’église, puis chacune s’assied sur une chaise. Le nombre de vêtements disponibles a déjà diminué, les bénévoles ne savent pas s’il en restera assez pour en distribuer tout le week-end. Avec le froid qui arrive, ils attendent 200 migrants en deux jours. À chacun, ils présentent plusieurs manteaux, des t-shirts, des paires de chaussures chaudes, des bonnets, des pulls… et proposent de choisir un exemplaire de chaque catégorie. Pas plus. Il faut s’assurer de passer l’hiver au chaud, mais il en faut aussi pour tout le monde.

©Naïs Bessaih

Entre deux allers-retours, Sylvie, l’un des piliers de l’équipe, se livre sur le chagrin qu’elle éprouve à ne pas pouvoir recevoir plus de vêtements ni accueillir plus de migrants. Mais ce qui ressort avant tout, c’est l’espoir et la bonne humeur qui règnent en ces lieux, par temps gris ou soleil aveuglant. Et elle nous conte, émue, l’histoire de son petit protégé qui, adolescent, dormait sur son canapé pour ne pas être seul chez lui, trop habitué à être entouré d’une famille. Et du jour où il lui annonça, timide, être tombé amoureux d’une autre bénévole, avec ces mots : « Jeanne m’aime ». Voilà un an qu’ils s’aiment grâce à ce vestiaire solidaire.