La solidarité sur Facebook : putain mais ça sert à quoi ?

undefined 24 avril 2019 undefined 16h35

Le Vieux Con

Eh ben alors les solidaires virtuels, ils sont où vos drapeaux du Sri Lanka en photo de profil ? Ils sont où vos « Je suis Sri Lanka » ? C'est trop loin donc vous vous en foutez ? Vous ne savez pas où se trouve le Sri Lanka ? Vous n'aimez pas leur nourriture, c'est trop épicé ? Quelles que soient vos raisons, elles sont mauvaises, la seule ayant cours étant la simple chute dans l'oubli d'une mode ridicule.

Et d'ailleurs, en parlant de mode, où sont les cagnottes leetchi pour venir en aide aux familles des victimes ? Combien LVMH va-t-il donner cette fois ? Après tout, Notre-Dame a bien reçu au total pas loin d'un milliard d'euros pour sa reconstruction, alors on peut se poser la question, aussi terrible soit-elle : à combien se chiffre l'aide internationale – car c'est bien de cela qu'il s'est agi concernant Quasimodo – pour un drame ayant fait plus de 300 morts ? Mais pardon, je m'égare dans un questionnement qui me dépasse très largement. Ma vraie question, je la reprends, est la suivante : c'est quoi le délire avec la solidarité sur les réseaux ? Les posts du type « attaque terroriste au Sri Lanka : 310 morts, RIP » avec un smiley prière à côté, putain, à quoi ça sert bordel ? On aurait tendance à répondre tout de go « à rien », pourtant plusieurs pistes de réflexion semblent s'imposer en réponse à ce phénomène 2.0 de merde.


Soulager sa conscience

Alors effectivement, il existe tout un tas d'autres moyens de faire taire cette petite voix intérieure qui nous répète d'un ton plein de mépris qu'on a la vie trop belle, qu'on a trop d'argent et que celui ou celle qui partage notre vie est bien trop beau ou belle pour nous. On pourrait commencer par s'investir dans des associations venant en aide aux démunis – y'en a plein partout –, donner pour la Croix Rouge ou encore, pour les plus idéologues, s'investir en politique, mais tout ça est par trop fatiguant. Non, nous ce qu'on veut, c'est que Gimini cricket nous foute la paix, et à moindre frais. On montre donc notre compassion sur facebook en publiant un status larmoyant ou une photo accompagnée de trois petits points cœur déchiré, de la même manière qu'un responsable politique « condamne avec la plus grande fermeté » tout acte répréhensible par ceux qui ne financent pas son parti. Au moins, on a l'impression de compatir, et dans le monde d'aujourd'hui, c'est déjà un grand pas pour l'humanité.


Être cool

C'est triste et affreux à dire, mais montrer sa solidarité sur les réseaux, c'est cool. Comprenez, ça rapporte du like, ce dernier étant a priori le moyen le plus tangible de mesurer cette coolitude tant recherchée (d'ailleurs, rien que le fait que cet horrible mot existe prouve mon propos). Et qu'y a-t-il de plus important dans la vie que de récolter un max de likes ? Rien, je ne vous le fais pas dire. Choisissez donc bien vos mots et faites un effort iconographique, votre indice d'attractivité auprès de votre communauté en dépend. Et puis imaginez que vous vous retrouviez à devoir boire un coup avec des vrais gens, dans un réel endroit type terrasse de bistrot qui fait des planches, à tenir une conversation en temps réel. Vous allez dire quoi quand on abordera le sujet ? « Ah non, j'étais pas au courant. » ? Pire, « ah ben moi j'ai pas liké » ? En agissant de la sorte, vous risquez de passer au mieux pour un gros paumé, au pire pour un complotiste. Est-ce vraiment ce que vous voulez ? Non, donc faites un effort, un petit drapeau en fond de PP, c'est quand même pas la mer à boire.


Y croire vraiment

Ça doit exister. Probablement qu'une grande partie des décérébrés qui composent la population active sur les réseaux sociaux – dans laquelle l'auteur de cet article s'inclut évidemment et sans ironie – pensent que leur petit geste insignifiant fera du bien, d'une certaine façon (va savoir laquelle), quelque part. Dit comme ça, évidemment, ça paraît idiot : imaginons que le frère d'une victime de l'attentat du Sri Lanka tombe, par le plus grand des hasards, sur le statut de Constantin Bougeard de Vitry-sous-Bois, « L'horreur frappe encore. RIP Sri Lanka ». Il va se dire quoi le bonhomme, en voyant cette pauvre déclaration de solidarité écrite dans une langue qu'il ne connaît pas sur le mur d'un type qu'il ne connaît pas vivant dans une région du monde qu'il ne connaît pas ? « Aaaah, ça fait plaisir » ? Ben peut-être en fait, après tout, qui sommes-nous pour décider des réactions des gens ? La nature humaine est assez diversifiée pour inclure dans ses rangs toutes sortes d'anomalies existentielles, alors pourquoi pas celle-là ? Mais bon, entre nous, il y a quand même plus de chances pour qu'il n'en ait absolument rien à branler...


Bon en vrai, je vous le donne en mille : ça sert à rien. Donc autant arrêter non ? Et faire preuve de décence...