A Paris, les anti-Trump font entendre leur voix

undefined 20 janvier 2017 undefined 00h00

La Rédac'

Par Arnaud Pagès

Pour protester contre l'investiture de Donald J. Trump au poste de 45ème président des Etats Unis, une nouvelle marche anti-Trump pour le droit des femmes est organisée ce samedi à Paris. A sa tête, des collectifs féministes, mais aussi des américains proches des démocrates de Paris qui avaient déjà manifestés leur colère en novembre dernier lors de la manifestation Paris Against Trump. On est allé à leur rencontre pour comprendre en quoi ce changement politique majeur allait affecter leurs vies et comment ils comptaient continuer le combat.

 

« Les messages de haine et de peur que Trump véhicule sont inacceptables. Il fallait manifester contre ça pour dire bien fort que nous ne sommes pas d’accord »

Emilie Crabé a 29 ans. Cette franco-américaine née aux Etats-Unis est à l’origine de la manifestation Paris Against Trump.

Comment avez-vous organisé la marche de novembre ?

Un peu par hasard. J’ai vu sur Facebook que beaucoup de mes amis étaient dépités par la victoire de Trump. J’ai organisé une réunion chez Shanon Kane, une activiste qui vit ici, pour voir ce que l’on pouvait faire. On était une quarantaine, des américains, des français, des homos, des noirs. On avait tous un profond sentiment de désarroi. On a procédé par vote pour déterminer notre action.  Chacun a apporté ses compétences et ses réseaux. Et le mouvement a pris de l’ampleur sur internet et les réseaux sociaux. 

C’est une façon pour les américains à Paris d’exprimer leur mécontentement mais aussi une façon pour les français de se rassurer ?

Nous ne nions pas le fait qu’il a été élu démocratiquement. Mais nous ne voulions pas nous taire. Les messages de haine et de peur que Trump véhicule sont inacceptables. Il fallait manifester contre ça pour dire bien fort que nous ne sommes pas d’accord.

 En quoi la manifestation de demain, juste après son investiture, est importante ?

Pour plusieurs raisons. D’abord car elle vise à dénoncer le message sexiste de Trump. C’est une marche pour les droits des femmes, que ce soit aux Etats-Unis mais aussi ailleurs dans le monde. Trump a énormément attaqué les femmes, il n’a aucun respect pour elles. Ensuite parce que Etats-Unis ont une influence énorme sur les autres pays.  Le fait qu’un président aussi hostile aux femmes soit élu est donc quelque chose de grave. C’est très important de faire du bruit et de faire comprendre à Donald Trump que les peuples du monde entier le regarde et qu’on ne se laissera pas faire.

 

« Son élection, qui est complètement illégitime, est une réfutation totale de tout ce que je suis : femme, immigrée, mère d’une famille multiculturelle »

Maggie Kim-Buñuel vit à Paris depuis 8 ans. Originaire de Philadelphie, elle est musicienne et écrivain. Elle a crée le magazine digital LES LOLOS (www.leslolos.com) qui s’adresse aux femmes expatriées à travers le monde.

Qu’avez vous ressenti lors de la victoire de Trump ?

La dévastation. La rage. La peur. Son élection, qui est complètement illégitime, est une réfutation totale de ce que je suis : femme, immigrée, mère d’une famille multiculturelle. J’ai subi le racisme et sexisme quand j’étais plus jeune.  J’ai le sentiment que les brutes de mon enfance ont gagné.

En tant que parisienne, en quoi l’investiture de Donald Trump va affecter votre vie dans les 4 prochaines années ?

Il n’est pas mon président #nevermypresident. Pour moi, les 4 prochaines années seront centrées sur la résistance. Je ferai tout-ce que je peux pour aider les gens qui risquent d’être persécutés par cette administration: les jeunes, les femmes, les minorités, LGBTQ, les immigrés, les musulmans, les réfugiés. Bref, tous les gens qui ne sont pas des hommes blancs et riches. En tant qu’expatriée à Paris, je suis très privilégiée. Je ne crains pas de perdre mon assurance sociale. Mais c’est faux de penser que ce qui se passe aux US ne touche pas le monde. J’espère qu’en France, on fera un meilleur choix en Avril.

En quoi la manifestation de samedi est-elle importante ?

Ca donne le message—LOUD AND CLEAR—qu'on n'acceptera jamais ni le discours ni la politique intolérante de ce président et son administration. Ca montre qu'on résiste et qu’on n'a pas peur.

Paris Against Trump va continuer son combat ? 

Bien sur. Tous les groupes qui forment la résistance ne sont qu’au début de la lutte. On a beaucoup de travail. S’il y’a une chose positive à tirer de cette horreur, c’est que beaucoup de gens se réveillent et se retrouvent dans cette protestation.  

 

« Nous espérons que l’ouverture d’esprit entre la France et les Etats Unis va continuer et qu’on ne tombera pas dans une forme de fascisme à la Trump. »

Constance Borde. Parisienne depuis 50 ans, Constance Borde est écrivain, enseignante à Sciences-Po et traductrice du roman Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir. Elle est vice-présidente du « Democrates Aboard France ».

En quoi la nouvelle manifestation anti-Trump de samedi est-elle importante ? 

Donald Trump est notre président maintenant. La marche de samedi est contre les propos envers les femmes qu’il a tenu pendant sa campagne. Mais aussi contre le racisme et l’homophobie.

Les démocrates travaillent de concert avec les Paris Against Trump ?

Tout à fait. Nous travaillons main dans la main. Et il y a plusieurs autres groupes américains anti-Trump qui vont se joindre à cette manifestation ainsi que d’autres groupes français.  Il y a une vingtaine d’associations féministes qui seront présentes à nos côtés samedi.  Nous protestons contre l’ensemble des valeurs négatives que Trump met en avant.

Cette protestation, qui s’organise à des milliers de kilomètres de la Maison-Blanche, peut-elle avoir un impact sur Trump ?

Il n’y a pas grand chose qui a un impact sur Trump. Mais ça montre que le monde est concerné par son élection. Et nos espérons que du coup il aura une attitude plus amicale dans sa politique étrangère et avec l’Europe notamment.

Comment voyez-vous, en tant que parisienne, les 4 années qui arrivent ?

Cela va avoir un impact sur nous. Il y a actuellement beaucoup de méfiance pour les gens qui hors des Etats-Unis. Mon mari est français, nous allons souvent là-bas. Nous espérons que l’ouverture d’esprit entre la France et les Etats Unis va continuer et qu’on ne tombera pas dans une forme de fascisme à la Trump.

 

« J’avais l’impression que tout ce pourquoi je vivais avait disparu. Et puis je me suis dit qu’il fallait lutter contre ce que les Conservateurs représentent. »  

Artiste LGBT originaire de Brooklyn, Alex Steckman vit dans la capitale depuis 2015. Il s’est installé ici à la faveur d’un programme d’échange entre son école et les Beaux-Arts de Paris. Très inquiet des conséquences de l’élection de Donald Trump, il compte militer activement pour les droits des minorités.

Qu’avez-vous ressenti lors de la victoire de Donald Trump ?

La nuit de l’élection était un désastre. J’ai regardé la télévision pendant des heures et je n’ai pas pu dormir avant 8 h du matin. J’étais absolument terrifié et choqué. J’avais l’impression que tout ce pourquoi je vivais avait disparu. Et puis j’avais l’impression qu’il fallait lutter contre ce que les Conservateurs représentent. 

Quelles sont les conséquences pour vous ?

Des millions de gens vont être directement et indirectement touchés. Trump n’est pas isolé dans un espace américain. L’intolérance existe ici aussi avec LePen, Fillon, la manif pour tous… C’est pour ça que l’éducation est tellement importante. Encore plus de personnes intolérantes vont vivre avec des oeillères pour éviter d’affronter le progrès. Les idées xénophobes qui prennent de l’importance peuvent être combattues pacifiquement. C’est très important pour moi. Je vais continuer à lutter contre cette injustice grâce à  l’art et à l’éducation.

Comment comptez-vous continuer le combat ?

Chaque personne lutte contre cette haine à sa façon. Pour moi je prévois d’aller aux manifestations et de m’éduquer sur la question des refugiés syriens, des personnes de couleur en France, de la communauté LGBTQIA... M’intéresser aux faits, aux infos crédibles, aux ONG et aux journalistes qui oeuvrent positivement. Et avec mon art.  Les médias ont un rôle à jouer dans ce combat.

 

« La lutte a commencé le jour de sa victoire et va continuer jusqu’à ce qu’il quitte la Maison Blanche »

Né à Pitsburg, Joe Smallhoover est arrivé en France en 1985. Il est avocat d’affaire et représente le parti démocrate en France.

La mobilisation des américains vivant à Paris contre Trump semble particulièrement importante ? 

Tous les américains que je connais ici sont extrêmement remontés contre le président Trump pour plusieurs raisons. Trump n’est pas dans la réalité du monde. Et sa politique est incompréhensible pour les américains qui vivent ici.  La lutte a commencé le jour de sa victoire et va continuer jusqu’à ce qu’il quitte la maison blanche.

Quel poids peut avoir cette lutte depuis Paris ?

Les démocrates à l’étranger est l’association civique la plus importante des citoyens américains dans le monde. Nous sommes très nombreux. Et nous avons beaucoup d’expérience dans la lutte politique. Nous sommes en contact avec nos représentants à Wahsington.  Nous savons comment faire entendre notre voix. Nous allons bien sur participer à la manifestation du 21 janvier. 

Comment voyez vous les 4 années qui arrivent ?

Cela va être très difficile. Nous allons accueillir Trump dans la dignité mais nous lutterons jusqu’au bout contre sa politique. Nous allons essayer de le faire partir avant la fin de son mandat. Nous sommes persuadés qu’il y aura des éléments à un moment donné qui permettront de lancer une procédure d’impeachemnt. Le combat ne fait que commencer.