Petite histoire des plus célèbres gangs parisiens

undefined 18 décembre 2017 undefined 18h03

Manon Merrien-Joly

Au début du mois de janvier, deux rixes entre bandes parisiennes éclataient à Bastille et à Châtelet. Affolant à la fois les Parisiens et les médias, la problématique des affrontements entre jeunes et moins jeunes a refait surface. Violences, guerres de territoire et luttes de pouvoir : les bandes ont toujours existé et Paris en a souvent été le foyer. 

Si les bandes et les gangs diffèrent par leur fonctionnement, le gang étant beaucoup plus organisé et centralisé autour d'un chef que la bande, nous avons choisi de croiser les histoires des deux groupes en Île-de-France, qui finalement s'entremêlent et se retrouvent parfois au cœur de combats communs.


Les Apaches : gangs criminels de la Belle Epoque

Impossible de ne nommer qu'une seule bande : si la Belle Epoque apparaît comme une époque éclectique et électrique faite de danses, de cabarets et de rires, il y a aussi les coulisses que l'on ne montre pas. D'ailleurs, il y avait tellement de loubards en ce temps que deux journalistes leur ont donné en 1902 le nom d'Apaches, le peuple le plus connu et redouté parmi les Indiens. Ils avaient de 15 à 25 ans et se rencontraient à l'école, en prison ou en maison de correction. Ils étaient animés par une haine de la police, de la bourgeoisie et du travail.

Arnaqueurs, proxénètes au cœur parfois tendre comme les Marlous de Belleville qui, la journée, trainaient dans le quartier et le soir sévissaient côté Bastille ou rue Mouffetard, ils étaient toujours accompagnés de l'Officielle, la nana intouchable avec qui ils s'affichaient et qui provoquait un sentiment de fascination et de terreur chez la gent féminine

Les Gars d'Charonne étaient les plus nombreux, regroupant plusieurs bandes ultra-violentes qui vivaient entre la teuf, les bastons et les meurtres. Côté Montpar', les Mohicans semaient la Terreur Rouge. Il s'agissait de la bande la plus violente, qui s'est nommée comme cette tribu d'Indiens qui se barbouillaient le visage avec du sang d'animaux. Top.

Les Loups de la Butte se frittaient régulièrement avec les Cœurs d’Acier de Saint-Ouen qui semaient la terreur en banlieue nord, pour des questions de territoire. Vous vous en doutez, ça s'est fini en bain de sang pendant une dizaine d'années.


Les anarchistes de la bande à Bonnot, ou les bandits tragiques

En 1905, un groupe d'anarchistes fonde le journal L'Anarchie (forcément) basé à Montmartre, pour ensuite s'excentrer de Paris. Une communauté libre se forme ainsi près de Romainville, où l'amour libre, le végétarisme et l'ascèse libertaire sont rois. En octobre 1911, le groupe appelé "Milieu libre" fait son retour à la capitale et s'installe à Belleville.

Le mois suivant, on y accueille Jules Bonnot (un mécanicien anarchiste soupçonné d'avoir assassiné un compagnon italien, ce qui ne présage rien de bon) : c'est là que les choses dégénèrent, des vols de voitures aux attaques à main armée en passant par les braquages et le meurtre des policiers qui se mettent sur le passage de Bonnot et de sa bande. 

Dire que l'étau se resserre est un euphémisme puisque le 28 avril 1912, le jeune anarchiste se retranche chez un garagiste de Choisy-le-Roi, encerclé par quelques 6 000 policiers et militaires qui vont finir par dynamiter la maison devant une foule (on l'imagine) en délire. 


La famille des Zemmour et le proxénétisme

S'il y a bien une famille qui a régné sur la capitale entre 1965 et 1983, ce sont les Zemmour. Ils sévissaient à l'époque au Faubourg-Montmartre, le quartier des Juifs pieds-noirs. Les cinq frères Zemmour ont eu un destin aussi mouvementé que tragique : arrivés d'Algérie à la fin des années 50, la prostitution était leur fer-de-lance : bars à prostituées, hôtels de passe et cabarets sont leurs QG. Pas seulement en France d'ailleurs, puisque leur réseau s'étendait à l'Allemagne, la Belgique et Israël. Rien qu'en région parisienne, on a recensé jusqu'à 257 collaborateurs.

La bande est composée de cinq frères : Roland est le premier à débarquer sur Paris. Proxénète assassiné en 1947, sa disparition entraine l'arrivée de ses quatre frères qui viennent ensuite exercer le commerce de vin (officiellement) et surtout venger sa mort. Dans la fratrie, on compte William dit Zaoui, le chef du clan, Gilbert, le dur en affaires mais aussi Edgard, le plus dingo, réputé pour être un fou furieux attiré par les femmes, l'argent et la voyoucratie et Théodore, en marge du groupe.

Le plus honnête si l'on puit dire est Gilbert : marié avec deux enfants, il possède un resto et des intérêts dans une boîte de nuit avant de partir au Canada monter une affaire d'immobilier. Pendant ce temps-là, gestion des affaires et rixes entre bandes rythment le quotidien des Zemmour. En 1975, William est tué par la police pendant une baston avec le Gang des Siciliens dans un bar du Quartier latin. Les autres connaissent une mort pas moins tragique puisqu'Edgard est assassiné par un inconnu à Miami en 1983 et Gilbert la même année, pendant qu'il promenait ses caniches. Sale histoire.

D'ailleurs, leur affrontement avec les Siciliens dans les années 1970 a inspiré le film Le Grand Pardon, d'Alexandre Arcady.


L'anti-fascisme incarné par les Black Dragons

Venu des Etats-Unis, le gang anti-skinheads des Black Dragons débarque en France au début des années 1980 sur les épaules de son fondateur, Yves Madichon dit "Le Vent". Le crédo de la bande (qui luttait à l'origine aux côtés des Blacks Panthers contre les actions racistes du KKK) se trouve dans la discipline des arts martiaux et la culture hip-hop pour combattre la brutalité désorganisée et aveugle des skinheads.

@Yan Morvan

De bastons ponctuelles pour le contrôle des rues dans la capitale vers le combat antifasciste permanent, le groupe s'élève à un peu moins de 1000 membres et comportait en son sein d'autres gangs. Côté nanas, les Miss Black Dragons étaient de vraies guerrières servant de relais vers la communauté féminine pour servir la cause des Dragons.

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Skinheads contre anti-fascistes

A partir des années 1970 commencent à se former des groupes racistes comme les bandes de bikers qui arboraient fièrement croix gammées et insignes de la Wehrmacht, comme les Hell's de Répu, et les rockers comme les Vikings, Teddy Boys et Rebelles de Tolbiac.

En même temps, les bandes de rockeurs noirs (les Asneys, Bounce 45) sortaient également pour affronter les blancs du côté des puces de Clignancourt.

@Yan Morvan

S'y ajoutent les skinheads, groupuscules les plus violents comme Nomad 88, auteur d'une rixe à la mitraillette dans l'Essonne mais aussi le Nazi Klan ou les Tolbiac's Toads, tous liés aux groupuscules d'extrême droite. En 1984, ils occupent le centre de Paris et la place du Châtelet notamment, jusqu'à se faire déloger par les commandos de Redskins (mouvement d'extrême gauche prônant l'anti-racisme radical). Parmi eux, les Ducky Boys fondés en 1982, les Red Warriors en 1985 mais aussi les Félins, les Ruddy Fox ou les Green Berets, tous anti-racistes proches du mouvement SHARP (Skinheads Against Racial Prejudice).

Plus tard, les bandes influencées par les Black Panthers (dont les Black Dragons et de la Mafia Z) sont supplantées par des Gangs Units des cités dans les années 2000, de plus en plus violentes comme les Blacks Sans Pitié de Grigny, les Mafia Negro de Corbeil-Essonnes ou les Black Power Junior de Sarcelles.


Pour plus d'histoire de gangs parisiens et franciliens, on vous invite à lire (si vous le trouvez, car il a été interdit) Gangs Story, de Yan Morvan et Kizo (2012) et L'Atlas du Crime à Paris (2015).