Couple : à partir de quand c'est tromper ?

undefined 28 juin 2017 undefined 18h47

Camille

Un baiser sur la joue, une pensée malheureuse, une parole ambiguë, un sexto, une simple allusion... toutes les personnes qui sont, ont été ou même seront en couple ont leur vision de la trahison. Comme le révèlent des psychologues, la notion de tromperie peut être plus ou moins intense en fonction des personnalités. Cette notion a également grandement évolué au fil des années, et pas forcément de la manière que vous croyez. 


En 2009, flairant le bon filon, deux malins Français créaient le premier site de rencontres extra-conjugales. « Tout le monde peut se tromper, surtout maintenant », indiquait fièrement l’un des panneaux publicitaires en lettres capitales sur les murs des stations de métro. Depuis, le site compte près d’1,6 millions de membres à travers le monde. Sa particularité ? Il ne vise pas que les couples cohabitant depuis des années, mais aussi et surtout de jeunes actifs, CSP+, habitant dans les grandes villes. L'homme à la tête du site est d'ailleurs plutôt représentatif du public visé : Teddy Truchot est un Parisien de 34 ans. Preuve que l’infidélité n’est plus une fatalité liée au temps ? En tout cas, le site a eu des bébés (illégitimes, cela va de soi). Une dizaine d’autres ont en effet éclos sur la toile : justinfidelles, idilys, adultere-rencontre…. Comme si, en France, l’ère était à la tromperie, ou, tout du moins, qu'elle n'était plus un aussi gros tabou qu'avant. Mais est-elle pour autant banalisée dans la conscience collective ? Pas si sûr.


Tromper, c'est quoi ?

Déjà, la tromperie, qu'est-ce que c'est ? Est-ce une notion physique ou morale ? Où se referment les portes de la trahison ? Une étude américaine, Was that cheating, a sondé des étudiants des deux sexes, de 20 ans en moyenne. Pour 98% d’entre eux, avoir une relation sexuelle avec un autre partenaire correspondrait à une trahison.

L'étude évoque également des « gestes inappropriés » qui seraient fatals à certaines relations. Pour Julie, interrogée par le Bonbon, par exemple, voir son amoureux tenir la main d'une autre fille serait pire que de le surprendre en plein action avec quelqu'un. Pourquoi ? « Parce que tenir la main suggère un lien affectif. Supporter qu’il puisse y avoir de la tendresse avec quelqu’un d’autre que moi serait, je crois, assez blessant. »

Et décidément, la tendresse n’a pas bonne presse. L’étude menée par l’université du Michigan souligne que le simple fait de dormir dans le même lit que quelqu’un est éliminatoire pour 68% des sondés. Le directeur de l’étude, Daniel J. Kruger, précise cependant que la réponse varie aussi en fonction de la personnalité de l’individu. Les personnes anxieuses, par exemple, auraient davantage tendance à être intransigeantes face à un comportement susceptible d'être plus banalisé par les adeptes des relations courtes.



La notion de fidélité est-elle genrée ? 

Selon la psychanalyste Virginie Ferrara interrogée par Elle, « on peut observer chez l’homme, beaucoup plus que chez la femme, une facilité à distinguer la fidélité sexuelle et la fidélité affective ». D'ailleurs, plus d'un homme sur deux (55%) avoue avoir déjà été infidèle, contre 32% de femmes seulement. Cela dit, selon un sondage de l’IFOP réalisé auprès de 3 406 Françaises âgées de 18 ans et plus, du 25 octobre au 3 novembre 2016, le chiffre estimé des femmes ayant déjà trompé les hommes serait sensiblement plus élevé qu'il y a des années. L'enquête contexte de la sexualité en France évaluait en effet à seulement 15% en 2007 la proportion de femmes ayant déjà eu des relations sexuelles parallèles.

Il serait d'ailleurs plus ou moins envisageable de dresser un profil sociologique de la personne infidèle (selon la définition la plus littérale de l'infidélité). L'Obs a effectué un sondage. Les hommes les plus âgés et les plus aisés « se distinguent par une plus grande expérimentation des comportements extra-conjugaux » (66% des plus de 50 ans et 53% CSP+). Il s'avère aussi que l'infidélité est également plus forte à gauche (46%), qu'à droite (40%). Pour les femmes, c'est sensiblement la même chose. Selon un article du Monde, « 40% des diplômées du supérieur l’ont déjà été, contre 30% de celles qui n’ont pas le bac ».

Le diable s'habille en Prada


Chacun ses propres limites ?

Nombreux sont aussi ceux qui tempèrent cette notion de fidélité. Manon, 28 ans, en fait partie : « Je suis en couple depuis 7 ans. Si mon copain venait à avoir une incartade, saoul, en soirée, je crois que je pourrais lui pardonner. Cela dit, je dis peut-être ça car je ne l’ai pas vécu… En revanche, si ça continue en cachette, de façon suivie, là, c’est de la tromperie ».

Paul, lui, est plus radical. A ses yeux, le désir surplombe tout le reste. On ne peut pas en éprouver pour quelqu’un d’autre, sinon, c’est qu’on n’est pas amoureux. Les frontières sont donc ici : réserver son corps à celui avec qui l’on partage sa vie.

Pour Nicolas, enfin, la tromperie n’est pas de l'ordre physique mais plutôt de l'ordre philosophique. Il dit : « On peut mettre sa langue dans la bouche de quelqu’un sans qu’il y ait tromperie ». En fait, pour lui, seul l’aspect spirituel serait déterminant. Si sa copine commence à penser à un autre, par exemple, où éprouver du désir pour un tiers, là, c'est grave. Si l'acte s'ensuit avec cette personne, c'est qu'il y a préméditation, donc trahison. « Choper quelqu’un, à la volée, en soirée, ça n’a rien à voir. C’est impulsif. » Il réfléchit : « ça peut même être marrant ». L’important, donc, c’est l’intention… Les sentiments, dans le fond.

Et, finalement, malgré la croissance exponentielle des sites qui la prônent, l'infidélité est très mal vue en France. Dans une interview pour Elle, la sexologue Charlotte Le Van dit même que les Français sont beaucoup plus intransigeants que dans les années 80 : « Alors qu’il y a une tendance croissante à tolérer l’homosexualité, la prostitution ou encore l’euthanasie, l’infidélité est la seule notion qui est décriée et condamnée encore plus violemment qu’il y a quelques années »

Un regain d'espoir peut donc se rallumer dans le cœur de ceux qui avaient l'impression de vivre dans un monde en mal d'amour... La fidelité est subjective, le tout est de savoir l'aborder. Et elle a encore de beaux jours à couler.