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Macron veut faire passer l’amende pour usage de drogue à 500 euros

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Jérémy Pennors

En déplacement à Marseille, Emmanuel Macron a annoncé vouloir augmenter l’amende forfaitaire délictuelle (AFD) pour usage de drogues de 200 à 500 euros. Objectif affiché : frapper plus fort les consommateurs. « Il faut taper au portefeuille, ce n’est pas festif de se droguer », a martelé le chef de l’État, évoquant son exaspération face aux violences liées au narcotrafic et aux jeunes victimes de règlements de comptes

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Instaurée en 2019 et appliquée depuis 2020, l’AFD permet de sanctionner immédiatement l’usage de stupéfiants sans passer par un tribunal. Aujourd’hui fixée à 200 euros (150 euros en paiement rapide, 450 en cas de retard), elle pourrait donc plus que doubler. Une annonce saluée par certains syndicats policiers, qui y voient un signal politique fort, mais déjà critiquée pour son caractère avant tout symbolique.

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Que révèle le bilan de l’amende forfaitaire depuis 2019 ?

Quatre ans après son entrée en vigueur, c'est peu dire que le bilan de l’AFD est contrasté. Plus d’un million d’amendes ont ainsi été dressées depuis 2020, principalement pour usage de cannabis. Problème majeur : le recouvrement. Selon les chiffres communiqués par les syndicats et la Cour des comptes, seulement un tiers environ des amendes serait effectivement payé.

Sur le terrain, policiers et élus locaux pointent un dispositif chronophage, peu dissuasif et qui n’a pas fait reculer la consommation. La France reste d’ailleurs le premier pays consommateur de cannabis en Europe, avec près de 6 millions d’usagers dans l’année, dont environ 900 000 consommateurs quotidiens. Un constat qui interroge l’efficacité d’une simple hausse tarifaire.

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Une amende plus chère peut-elle vraiment dissuader les consommateurs ?

Pour de nombreux spécialistes, la réponse est non. Addictologues et travailleurs sociaux rappellent que l’addiction ne répond pas à une logique économique rationnelle. Augmenter le montant d’une sanction n’empêche pas un consommateur dépendant de consommer, pas plus qu’elle ne règle les causes sociales et sanitaires du trafic.

Les critiques soulignent aussi un risque d’aggravation des inégalités : une amende à 500 euros pèsera peu sur certains, mais sera écrasante pour les plus précaires. « On tape sur les consommateurs sans proposer de politique de prévention solide », dénoncent plusieurs associations, qui appellent à investir davantage dans l’éducation, la réduction des risques et l’accès aux soins, alors que les délais pour consulter en addictologie peuvent atteindre plusieurs mois

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La répression a-t-elle atteint ses objectifs ?

Malgré les moyens colossaux mobilisés (policiers, judiciaires et financiers), la consommation de cannabis en France n’a jamais été aussi élevée. Les saisies, souvent mises en avant dans les bilans officiels, ne représentent qu’une fraction du trafic réel, estimée à 5-10 %.

« On vide la mer à la petite cuillère », résume un magistrat spécialisé, tandis que les réseaux se recomposent rapidement, selon un principe simple : « tant qu'il y aura de la demande, il y aura de l'offre ». Plusieurs policiers témoignent également de leur réticence à affronter les grands barons de la drogue, craignant une guerre ouverte entre trafiquants et forces de l’ordre, aux conséquences humaines lourdes.

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Et si la solution passait par la légalisation du cannabis ?

En creux, la question de la légalisation du cannabis refait surface. Pour de nombreux experts, c’est la seule solution réaliste pour réduire le marché noir et financer la prévention et les soins. Elle permettrait également de cesser de criminaliser les usagers dépendants, qui ne sont pour la plupart pas responsables de leur addiction. « Dire aux consommateurs qu’ils ont du sang sur les mains ou que c’est “de la merde” ne soigne personne », rappelle un addictologue.

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Plusieurs pays européens ont déjà amorcé ce changement : l’Allemagne engage une légalisation encadrée, tandis que le Luxembourg ou Malte ont dépénalisé l’usage. En France, le marché illégal du cannabis représenterait plus de 2 milliards d’euros par an selon le Conseil d’Analyse Economique (CAE), une somme qui échappe pour l’instant à l’État tout en alimentant les trafics.

Légaliser ne signifie pour autant pas banaliser, mais opérer un virage vers une politique de santé publique plutôt que punitiveUn débat que l’annonce présidentielle remet clairement sur le devant de la scène.