Entre deux joggeurs, une nappe à carreaux et un coucher de soleil sur le temple de la Sibylle, difficile d'imaginer que ce décor de carte postale a longtemps été l’un des coins les plus lugubres de Paris. Et pourtant, sous les pelouses impeccables des Buttes-Chaumont, se cachent des siècles d’horreur. Retour sur une métamorphose urbaine digne d’un film noir.
Un mont chauve qui puait la mort
Bien avant les apéros sur l’herbe, le site s’appelait Mont Chauve : un sol stérile où rien ne poussait. Du Moyen Âge au XIXᵉ siècle, on y jetait carcasses d’animaux, déchets et eaux usées. Les tanneurs et équarrisseurs du nord-est parisien y abandonnaient leurs bêtes : l’air y était irrespirable, et l’endroit, évité des Parisiens.
Le gibet de Montfaucon, cauchemar médiéval
À deux pas des buttes se dressait le gibet de Montfaucon, monument de pierre et de bois où, des siècles durant, on exposait les condamnés pendus pour l’exemple. Rabelais et Villon le citent comme symbole d’effroi. Les corps pourrissaient à la vue de tous, visibles depuis les remparts. Une vision d’horreur qui a marqué l’imaginaire collectif.
Carrières, bandits et terrain vague dangereux
Après la Révolution, la zone reste un no man’s land. Les carrières abandonnées deviennent des repaires de criminels et de contrebandiers. On raconte qu’à la tombée de la nuit, mieux valait faire un détour que de s’aventurer sur ce terrain vague malfamé.
Napoléon III et Alphand changent la donne
Dans les années 1860, Napoléon III et le baron Haussmann décident de métamorphoser ce cloaque en parc paysager. L’ingénieur Alphand et son équipe sculptent des falaises artificielles, des grottes, cascades et lac. Le pont suspendu, signé Eiffel, ajoute la touche spectaculaire. Sept ans de travaux pour transformer l’enfer en petit paradis.
©Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-VE-1356
Aujourd'hui votre lieu de pique-nique pref' du dimanche
Aujourd’hui, entre joggeurs, canards et apéros sur la pelouse, personne ne pense aux pendus du gibet ni aux effluves pestilentiels. Les Buttes-Chaumont sont devenues un havre de verdure et de romance, rappelant que même les coins les plus sombres de Paris peuvent se réinventer en lieux de poésie.