A quoi ressemblera la cuisine du futur ?

undefined 13 juillet 2017 undefined 11h49

Olivia

Malgré une certaine prise de conscience, ce qu’on a dans notre assiette nous importe finalement assez peu. Combien de litres d’eau a nécessité l’avocat dont on raffole, combien de méthane a été produit pour l’entrecôte que l’on s’apprête à dévorer… Des questions qui nous passent rapidement au-dessus de la tête. Il va pourtant bientôt falloir que l’on s’y intéresse car notre planète commence à être épuisée. Certains acteurs s’y collent déjà pour trouver des alternatives, élaborant ainsi la cuisine de notre futur. A quoi pourra bien ressembler ton assiette dans 30 ans ? Voici un avant-goût. 


Des insectes pour remplacer la viande 

En 2050, nous serons 9,1 milliards sur Terre, et pour nourrir tout ce monde, la production alimentaire doit augmenter de 70%. Cela veut dire une production annuelle de céréales qui devrait passer à 3 milliards de tonnes (comparé aux 2,1 milliards actuels), et en viande qui devrait augmenter de plus de 200 millions de tonnes pour atteindre les 470 millions. Face à ces chiffres de la FAO (Food and Agriculture Organization des Nations Unies) qui donnent le tournis, il est peut-être temps de trouver des sources alimentaires alternatives, et pourquoi pas les insectes ?

C’est en tout cas le pari de Jimini’s. Créée en 2012, la start-up française s’est donné pour défi d’inclure les insectes dans notre alimentation. Riches en protéines, avec un élevage nécessitant peu de ressources, ces petits animaux présentent une alternative pérenne et durable pour réduire considérablement l’impact environnemental de notre alimentation occidentalisée.

Pas facile néanmoins de convaincre quand on connaît notre répulsion envers cet aliment. Les deux jeunes créateurs de Jimini's n’y sont pourtant pas allés par quatre chemin, car les premiers produits qu’ils lancent en 2013 ne sont autres que des insectes entiers pour l’apéritif.

« Selon nous, le moment de l’apéro est le plus opportun pour découvrir l’insecte, parce que tu es dans le partage et la découverte, c’est un environnement sympa », explique Clément Scellier, cofondateur de Jimini’s. Ont donc été lancés des criquets et molitors assaisonnés. « On voulait garder le visuel pour assumer le fait qu’il s’agissait d’insectes et commencer un peu à taper sur les tabous et sur cette idée culturelle qu’un insecte ne se mange pas », poursuit-il.

Depuis, Jimini’s a développé d’autres produits tels que des barres protéinées énergétiques, des pâtes enrichies en protéines d’insecte, et travaille sur « la texturation de la protéine d’insecte » pour créer un aliment qui rappellerait le steak de soja ou les barrettes de tofu… La démarche de Jimini’s est donc totalement environnementale : nous faire remplacer les protéines carnées (poulet, porc, bœuf…) par une autre source de protéines sans pour autant se placer en dictateur de la non-consommation de viande, tient à préciser Clément. 


Un laboratoire pour mieux manger 

Car l’idée, justement, n’est pas de changer radicalement notre alimentation et de ne « nous faire bouffer que des graines », lance Robin Placet, fondateur de Foodentropie, un "laboratoire de la transition alimentaire". Persuadé que le futur de l’alimentation se trouve dans « un enchevêtrement d’équilibres qu’on essaye de trouver », il a créé ce "laboratoire de l’alimentation durable". Dès septembre, Foodentropie s’installera au château de Nanterre afin d'offrir un terrain d’expérimentation pour les entreprises où seront organisées des conférences, des ateliers sur la sécurité alimentaire, sur les nouvelles protéines, etc. 

Il y aura également un food court (une halle à manger) dédié à l’innovation alimentaire où de jeunes chefs nous feront tester leurs concepts comme par exemple « un burger végétal mais qui aura quand même le goût de la viande », détaille Robin. La sensibilisation de manière ludique et l'expérimentation pour trouver comment mieux manger et trouver un équilibre, telle est l'option que Foodentropie a choisit pour nous embarquer vers la cuisine du futur.  


Une canette végétale entièrement biodégradable

Pour le chef étoilé Thierry Marx et le physico-chimiste Raphaël Haumont, il s’agit de mettre la science au service de l’innovation culinaire. En 2012, ils créent le Centre français d'innovation culinaire (CFIC), et depuis 2013 tentent de répondre à la question « quelle sera la cuisine de 2050 ? » au sein de la chaire "Cuisine du futur" à l'université Paris-Saclay. Prendre en compte les problématiques de ressources et d’environnement tout en conservant le plaisir et la gourmandise, voici ce qui guide leurs recherches. 

« La cuisine, c’est un environnement émotionnel, on doit continuer à se faire plaisir à table, c’est un lien social très fort. Par contre, avec la montée du diabète, le sans gluten, le sans lactose, les vegans, il y a des nouvelles tendances de cuisine, il y a des problématiques de santé auxquelles il faut répondre, et cela demande de la recherche », explique Raphaël Haumont, directeur de la chaire universitaire "Cuisine du futur". « Enlever du gluten, ok, mais si on enlève le gluten, cela veut dire que l’on enlève des molécules qui sont responsables de l’élasticité du pain, comment remplace-t-on cette élasticité ? ». 

Comment mieux travailler les produits et faire une cuisine durable, telles sont les deux considérations qui animent la chaire. A force d'expérimentations, les chercheurs/chefs ont élaboré des choses plutôt incroyables : une canette végétale entièrement biodégradable et comestible (si on le souhaite !) ou encore des repas gastronomiques pour l’astronaute Thomas Pesquet

Pour éviter le gaspillage et retrouver une vraie saveur, ils ont ainsi créé une marmelade d'orange en traitant toutes les parties intégrantes du fruit. « Quand on jette la peau d’une orange, on gâche les huiles essentielles présentes dans les zestes et les pectines naturelles (un gélifiant naturel) dans les parties blanches, ce qui est aberrant », précise Raphaël. 

L'équipe a aussi effectué tout un travail autour du sans lactose, en s'intéressant à la mousse au chocolat notamment. Pour mieux comprendre ce qu’est une mousse au chocolat, on se repose les questions du geste de cuisinier, explique Raphaël.

« Pourquoi met-on des œufs ? du sucre ? Finalement on se rend compte que l’on peut faire une mousse avec du chocolat et de l’eau minérale. Des nouvelles technologies permettent d’injecter des bulles d’air pour faire mousser le chocolat. On se retrouve avec un dessert sans allergènes, avec quatre fois moins de calories et beaucoup plus gourmand puisqu’on y a rien ajouté », raconte-t-il. 

Redécouvrir les aliments, mieux concentrer les saveurs, arrêter de surchauffer les produits et utiliser la cryodistillation... tout ces outils permettent d'élaborer la cuisine du futur. Alors même si on ne sait jamais de quoi demain sera fait, il semble en tout cas que notre assiette sera plus saine, plus écolo et plus savoureuse. Enfin ça, ça ne tient qu'à nous !