\"100 jours sans supermarché\", une journaliste raconte son défi réussi

undefined 9 mars 2018 undefined 16h43

Olivia

Mathilde Golla, journaliste parisienne, s’est lancé un défi dans l’air du temps : ne plus aller au supermarché pendant une centaine de jours. Sa première motivation ? Aider les agriculteurs. Un challenge qu'elle raconte en détail dans son livre 100 jours sans supermarché - Le premier guide des circuits courts (éd. Flammarion) qui lui a permis de renouer avec le goût, la nature et l’humain. Récit d'une belle aventure ! 


Pourquoi avoir décidé de vous lancer ce défi ?

C’est la rencontre avec un agriculteur qui m’a donné un déclic. De passage en Normandie chez ma mère, j’ai rencontré son voisin qui était en train d‘arrêter son activité d’agriculteur. Or ce n’était pas l’heure pour lui de passer à la retraite, j’ai donc décidé de creuser. Il m’a expliqué qu’il perdait de l’argent tous les mois. Chaque litre de lait lui coûtait 30 centimes à produire, et la grande distribution lui achetait 20 centimes, ce n’était pas viable. Il a donc arrêté son activité. Surprise, j’ai voulu savoir si c’était une exception, et j’ai découvert qu’un agriculteur sur cinq perd de l’argent en exerçant ce métier. 

J’ai pris du recul, j’ai cherché à comprendre. L’idée était de trouver une solution pour que les agriculteurs soient mieux rémunérés. J’ai voulu savoir s’il y avait une autre agriculture qui vivait mieux, en passant par les circuits courts (un intermédiaire maximum entre le consommateur et l’agriculteur) et en contournant les réseaux de grande distribution.

Je me suis demandé si en tant que consommatrice c’était possible de ne plus aller dans un supermarché. Je m’alimentais majoritairement via les grandes surfaces. Je me suis fixé quelques règles et je me suis lancée.


Combien de temps s’est-il passé entre le déclic et la mise en place du défi ?

J’ai attendu de vider mon frigo, et je me suis lancée. Pendant un mois j’avais fait tous les achats classiques, j’ai fait un véritable carnet de comptes pour ensuite avoir une base de comparaison.


Vous avez aussi essayé de limiter les commerces de proximité – boulangeries, boucheries… ? Comment faisiez-vous concrètement ?

L’idée était de passer par les circuits courts où l’agriculteur était le mieux rémunéré, et donc limiter le passage dans ce genre de commerces de proximité. J’ai tout de suite contourné. J’avais demandé de l’aide sur les réseaux sociaux, ça m’a été grandement utile d’avoir un soutien de taille via Twitter et Facebook. Ça ne m’a pas empêchée de commettre certaines erreurs, comme acheter chez des grossistes et non de véritables producteurs, parce qu'ils étaient présents également sur les marchés.

Grâce aux réseaux sociaux, et aux gens qui m'ont mise sur la voie, j’ai découvert énormément de choses, comme les épiceries paysannes. Ce sont des boutiques tenues par les agriculteurs eux-mêmes ou par une personne qui fait le lien entre le producteur et le consommateur, et qui proposent des produits locaux, de qualité et de saison.


Qu'est-ce qui a été le plus dur dans cette expérience ?

Le début ! J’ai dû revoir toutes mes habitudes, repenser ma façon de consommer, m’assurer d’être en circuit court, et concentrer mes achats sur des produits de saison. On pense aux fraises et aux tomates, mais même les oranges ce n’est pas la saison à Paris. En parallèle, je faisais des découvertes, les produits avaient un bien meilleur goût, au niveau de la santé c’était plus bénéfique, la sensation de satiété arrivait plus vite...


En cuisine, qu’est-ce que ça a donné ?

J’ai dû revoir mes recettes. J’ai redécouvert les fameuses endives au jambon, je cuisinais toutes formes de courges, je me suis rendu compte qu’il existait une variété importante de fruits et légumes même en hiver - les blettes, les petits navets boules d’or. J’ai réappris à cuisiner. Parfois ça peut manquer un peu de richesse, et les plats exotiques, c’est impossible.


Quid des dîners chez les amis ?

Ça j’ai continué à y aller, même si eux continuaient d’aller au supermarché ! En revanche, j’en parlais autour de moi, ça créait l’adhésion, surtout quand je les invitais à des repas cuisinés avec des produits de circuit court. Je me suis auto-convaincue, j’ai découvert trop de choses pour ne pas avoir envie de poursuivre, je faisais quelques émules. Mon père, qui ne s’était jamais posé de question, il a repensé sa façon de faire, va davantage chez les producteurs. Ma grand-mère était en revanche un peu surprise, parce que le supermarché a été vécu comme un progrès à l’époque. Elle avait l’impression que je faisais un retour en arrière de 50 ans, ce qui n’était parfois pas faux !


Avez-vous dépensé plus d’argent ?

Je m’attendais à dépenser plus, et finalement j’ai dépensé moins. Pris individuellement, les produits artisanaux sont plus chers et c’est logique, un yaourt fermier n’a pas le même prix qu’un industriel. Mais comme j’ai revu ma façon de consommer, je gaspillais moins.

J’ai par exemple fabriqué moi-même ma lessive, à partir d’un sachet acheté dans une savonnerie artisanale qui m’a coûté 6,50€, j’ai pu faire la lessive pendant plus d’un an.

J’ai fait tous mes produits d’entretien moi-même, à partir de trois ingrédients – bicarbonate, savon noir, vinaigre blanc. Le seul inconvénient ? Y’a pas l’odeur du propre (ou en tout cas l’odeur qu’on a associée au propre).


LE produit que vous n’avez pas pu remplacer ?

Le papier-toilette. C’est le seul produit auquel je n’ai pas trouvé de substitution. C’est l’unique produit qui m’a contrainte à faire une entorse.


Y a-t-il une fois où vous avez flanché ?

C’était au tout début. J’avais pensé à tout sauf au sel, et un plat sans sel c’est trop triste ! Du coup j’ai envoyé mon copain aller chercher du sel. Je dois l’admettre.


Si vous deviez retirer une chose de cette expérience ?

Les rapports avec les producteurs, c’est ça qui m’a beaucoup plu. En général quand ils ont fait le choix d’être en circuit court, ils ont plaisir à partager leur savoir-faire et leur connaissance. Ils sont souvent dans des lieux isolés, du coup le fait de venir à la rencontre des consommateurs, c’est vraiment un plaisir pour eux. Ça pouvait avoir des vraies incidences sur leur quotidien, souvent ils étaient à l’écoute. Une fois, à l’approche du Nouvel An chinois, des clients leur avait demandé de faire des nems, et le succès a été énorme !


Est-ce que vous vous êtes sentie libérée ?

J’avais l’impression de reprendre le pouvoir sur mon alimentation, je connaissais tous les ingrédients, j’utilisais des produits ultra simples. Je me suis à la fois reconnectée avec mon alimentation, avec le milieu rural, ça m’a permis de faire un grand pas, d’acquérir une somme de connaissances assez importante sur la production de ces produits, etc.


Le produit qui vous a le plus manqué ?

Les gâteaux industriels. Le goût n’est pas meilleur que des gâteaux artisanaux, mais certaines choses industrielles manquent quand même parfois !


Comment vivez-vous maintenant ?

J’essaye au maximum de continuer, mais c’est tout de même beaucoup moins stricte que lorsque je menais le défi. Si je suis face à un imprévu, je ne vais pas chercher tous les moyens d’éviter le supermarché.


Un conseil pour ceux qui aimeraient se lancer ?

Accepter de consommer de saison et local, car pour peu qu’on se renseigne, il y a pas mal de choses qu’on peut manger local. Il faut accepter de commencer par ça, et de trouver des solutions. On peut acheter sa viande en ligne par exemple ! Quand on commence à manger des choses de qualité, ça devient plus un plaisir qu’une contrainte.


100 jours sans supermarché - Le premier guide des circuits courts

de Mathilde Golla (préface de Cyril Dion) chez Flammarion