Wonder Woman ne fait pas des merveilles

undefined 12 juin 2017 undefined 20h15

Louis Haeffner

On en attendait beaucoup de ce film. Qu’il crédibilise enfin une super-héroïne à l’ère du blockbuster sur fond vert, qu’il remette un peu DC Comics dans la course face à Marvel, et même qu’il soit bon, tout simplement. Eh bien, pour faire dans l’euphémisme, ce n’est pas une réussite.


Depuis sa sortie aux Etats-Unis, la presse d’outre-Atlantique s’enflamme. Comme d’hab’ avec les Américains, on ne fait pas dans la demi-mesure :  j’ai lu des « le meilleur film DC depuis la trilogie Batman de Nolan », des « Wonder Woman est un film exaltant, romantique, fun ! »… Je vous le dis tout de go, ces gens sont soit sous l’effet d’une drogue – et dans ce cas je vais devoir me renseigner plus avant -, soit sous l’effet de la pression de certains annonceurs. Wonder Woman est au mieux distrayant, pas drôle (la seule blague vraiment drôle est faite par le personnage masculin concernant la taille de son sexe), le scénario ne tient pas une seconde la route, même avec l’indulgence qu’on doit aux films de super-héros à ce niveau-là, les acteurs sont mauvais (sauf David Thewlis, mais bon le mec joue Arès, dieu de la guerre, difficile de se louper sur un personnage aussi badass), même les décors paraissent bidon alors que v’là le budget

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Alors oui c’est divertissant, oui Gal Gadot est à peu près crédible dans les scènes de bagarre et super canon le reste du temps, oui on trouve quand même dans le film quelques belles trouvailles visuelles - ces espèces de portraits en pied au méga-ralenti qui ressemblent du coup à une affiche en plein film notamment, très stylés et très beaux -, mais franchement dans l’ensemble, il n'y a vraiment pas de quoi crier au renouveau ou à un quelconque précurseur du genre. Ou alors DC est vraiment très mal barré. Je dois vous paraître un peu hystérique à détruire le truc comme ça, vous vous dites peut-être que je dois être encore un de ces phallocrates détestables, à la Hanouna, qui ne supportent pas qu’une nana fasse un film de bonhommes. Ben non, c’est tout l’inverse, et c’est d’ailleurs pour ça que je suis énervé, ou plutôt déçu. Il y avait un truc à faire, vraiment, mais Patty Jenkins est passée à côté.

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Certes Diana débarque dans un monde qu’elle ne connaît pas, mais elle a reçu une éducation sans faille, parle toutes les langues du monde, en plus de sa force naturelle, donc en faire une grande enfant dont la naïveté la rend mignonne, c'est s'essuyer les pieds sur le paillasson sans oser entrer. Et pourquoi se bat-elle cette grande cruche ? Pour sauver les hommes et leurs idéaux, en premier lieu desquels, je vous le donne en mille… l’amour. Mon Dieu mais pourquoi ? Elle n’aurait pas pu défoncer du connard à moustache à longueur de film ? Le cadre spatio-temporel s'y prêtait en plus... Ç’aurait été plus drôle, plus cohérent, plus courageux. A vouloir donner dans l’égalitarisme plutôt que dans le féminisme assumé, on a l’impression que la réalisatrice avance à tâtons, avec la peur au ventre - la peur de froisser ses éminents collègues masculins peut-être. En témoigne le personnage du Docteur Maru, la chimiste allemande chargée de créer un gaz moutarde hyper-destructeur. C’est Elena Anaya qui joue cette brave dame, l’excellente actrice principale de La piel que habito d’Almodóvar. Cette femme est magnifique, et sa beauté représente de manière évidente une force, quelle que soit l’orientation de son personnage. Une méchante aussi belle que vicieuse, c’était parfait. Mais là encore, Jenkins la défigure avec un masque ridicule, ce qui n’apporte rien à son personnage - trop peu développé de toute façon -, bien au contraire.

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Il y aurait une foule d'autres exemples à donner, mais pour conclure, le sentiment qui m’habite à la sortie de la salle, c’est le regret, la frustration. Le monde, en tout cas celui du cinéma apparemment, n’est peut-être pas près pour les super-héroïnes. Les cyniques s’en doutaient peut-être, mais il est dommage de ne pas avoir prouvé qu'ils se trompaient.


Wonder Woman
, de Patty Jenkins

Avec Gal Gadot, Chris Pine
En ce moment en salles