The Square, une palme aux pieds carrés

undefined 19 octobre 2017 undefined 11h50

Louis Haeffner

Comme me le faisait très justement remarquer un cher collègue (appelons-le Vigus), la Palme d'or c'est toujours un peu délicat. Il est effectivement rare que ce prix, très attendu chaque année, fasse l'unanimité. J'ai pourtant tendance à faire confiance aux jurés du festival de Cannes, après tout ce sont des professionnels. C'est donc les yeux fermés et le cœur gonflé d'enthousiasme que j'abordai The Square… d'où ma déception. 


Christian est le conservateur du Musée d'art contemporain de Stockholm. Il est riche, beau, humaniste, il roule en Tesla. Il est tout fier de lui le jour où il protège, avec l'aide d'un passant, une jeune femme de l'agression d'un homme visiblement très énervé. Quand il se rend compte, suite à ça, qu'on lui a volé son téléphone et son portefeuille, ses semblables ne font pas preuve du même altruisme. Des situations similaires émaillent l'intégralité du métrage, avec pour symbôle ultime l'œuvre d'art qui donne son titre au film : un carré de pavés, dans lequel chacun peut bénéficier de l'aide obligatoire de ses congénères.

Honnêtement un peu lourdingue (on comprend le projet dès la première scène), ce procédé narratif ne laisse aucun doute quant à la lecture qu'il faut y donner : Ruben Östlund veut nous montrer, comme dans Snow Therapy, que l'homme moderne n'est qu'un pauvre égoïste/égocentrique/narcissique de merde, et que la société n'est que le théâtre de son avènement ; plus rien, à part son image, ne le relie à elle. C'est très bien imagé, parfois percutant, souvent cocasse, par moments vraiment désopilant. Mais, à la manière d'une manif lycéenne, ça propose quoi concrètement ? Pas grand-chose, et c'est bien ce qu'on reproche à The Square.

Qui, à part peut-être des personnalités du monde du cinéma totalement déconnectées de la réalité et qui s'esclaffent « bravo, enfin quelqu'un pour dénoncer ce manque de considération pour les masses inférieures dont nous faisons tous preuve » lors de sa diffusion à Cannes, peut encore s'étonner d'un tel propos au cinéma aujurd'hui ? Le cinéma, comme l'art contemporain, est-il devenu une distraction réservée aux seules élites ? Si c'est effectivement cette question que Östlund pose, alors peut-être que son film est réussi, mais c'est difficile à dire, tant, à la manière d'un footballeur maladroit, il a les pieds carrés. 


The Square
, de Ruben Östlund

Avec Claes Bang, Elisabeth Moss, Dominic West
En ce moment en salles