Rencontre avec John Hamon

undefined 3 avril 2018 undefined 10h31

La Rédac'

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Ce visage vous est familier ? C’est normal. John Hamon affiche son portrait depuis 17 ans dans près de 33 pays et 77 villes. Intrigué par ce personnage, je lui propose de répondre à mes questions et nous nous retrouvons dans un café à Paris près de République. Je vous livre notre échange.


Quelle est l’histoire de ce portrait ?

L’histoire c’est simple, c’est une photo d’identité. J’ai 17 ans sur cette photo. Elle n’a pas été faite pour le projet. Ensuite quand elle est sortie, il y a un truc qui s’est passé. Quand j’ai eu l’idée de diffuser des portraits partout, cette photo m’avait marquée. Elle ne me ressemble pas forcément, je la trouve même un peu bizarre. Mais maintenant, elle fait vraiment partie de ma vie.


Derrière John Hamon, c’est une équipe ou une personne ? Comment as-tu fait pour être affiché dans autant d’endroits ?

Quand j’ai commencé, l’affiche avait presque disparu, à part dans les campagnes électorales. Aujourd’hui, l’affichage commercial est devenu une mafia. De nombreuses équipes se sont mises en place quand les marques ont compris que l’affiche pouvait servir leur communication. Je connais la plupart des équipes d’affichages. Quand je fais de grosses campagnes, je fais appel à des connaissances. 


Dans un post récent tu dis avoir été censuré par le Palais de Tokyo qu’est-ce qui s’est passé ?

L’exposition au Palais de Tokyo, c’est moi qui l’ai décidé et organisé car j’ai voulu inverser les rôles et reprendre le pouvoir. Je parle de censure, car ils ont tout fait pour m’empêcher de faire l’exposition. Maintenant il plagie même ma démarche en proposant à des artistes de faire des projections sur la devanture du Palais afin de m’empêcher de projeter mon portrait et alors qu’il n’avait jamais fait ça avant. J’ai un problème avec les personnes qui font la programmation et qui ne sont pas des artistes. Les artistes sont simplement l’outil où le faire valoir de ces gens-là. Les directeurs d’institutions sont loin d’être ouverts. Ils produisent un certain type d’artiste, qui reflète une certaine idéologie. Si tu n’es pas dans cette idéologie-là, tu ne passes pas.



Mais à aucun moment tu n’as été programmé au Palais de Tokyo ?

Non. Je me suis invité moi-même. Je me suis demandé comment le Palais de Tokyo communiquait sur ses événements et j’ai fait pareil. J’ai appelé ceux qui ont fait la charte graphique du Palais de Tokyo, je me suis fait passer pour un étudiant qui faisait une étude sur la typo Arial, et ils m’ont passé leur logo, et le reste. Dans un premier temps, j’avais appelé la directrice de communication pour lui demander un logo pour l’exposition John Hamon. Elle m’envoie un mail pour me dire que je ne suis pas dans le programme. J’insiste. J’avais prévu la date, fin juin, le jour du vernissage d’une nouvelle exposition. Elle passe le relais au directeur des relations extérieures, il me dit qu’il y a un malentendu. Entre temps, j’avais fait l’affiche, je leur montre, ils m’envoient leurs avocats etc. Lorsque j’ai projeté le portrait John Hamon, cela coïncidait avec le vernissage de leur nouvelle exposition. Ils m’ont envoyé des vigiles. J’ai posé mon projecteur en haut de mon camion pour qu’ils ne puissent pas l’atteindre.


Quels sont tes combats ?

Je me bats pour que les artistes aient leur place dans la société, et je suis le reflet que ce n’est pas forcément le cas. On est un peu en dehors des institutions, même si on les combat car elles ne sont pas le reflet de la modernité. Les jeunes artistes, on les envoie tous à l’abattoir dans l’art contemporain. Les mecs qui sortent des grandes écoles, ils passent dans des petites institutions quelque temps. On s’intéresse à eux deux secondes, puis ils sont jetés comme des mouchoirs. L’art contemporain, est une période, que l’on peut dater à peu près de Duchamp à Jeff Koons. Tous les jeunes qui produisent pour aller là-dedans vont dans le mur.


Comment explique-tu ton slogan : « C’est la promotion qui fait l’artiste ou le degré zéro de l’art » ?

Il y a une première partie de réponse avec Duchamp qui dit : c’est le regardeur qui fait l’œuvre, donc c’est la promotion qui fait l’artiste, on est dans la même musicalité les mêmes intonations. On retrouve également le degré zéro avec Barthes et le degré zéro de l’écriture. Dans zéro, il y a quelque chose de métaphysique entre le -1 et le +1. Je ne parle pas de la mort de l’art, mais du moment où il est à son état 0, son origine. La promotion sur les tomates c’est ce qu’il y a de plus éloigné de l’art, a priori on ne va pas mettre la publicité dans l’art. Pour autant, promouvoir signifie aussi faire avancer. Il y a une ambiguïté dans le terme promotion qui m’intrigue. On peut promouvoir une idée, une association, un artiste. Je considère que c’est le point de départ de toute forme de création.


Le visage de John Hamon est connu de tous, pour autant, tu es un artiste qui veut rester anonyme. Lors d’une interview vidéo donnée au journal 20 minutes ton visage d’aujourd’hui est à moitié dissimulé. Pourquoi cette discrétion ?

Je suis timide « Rires ». Je ne veux pas devenir John Hamon l’artiste dans le réel. Je ne veux pas que le personnage prenne le dessus sur l’affiche. Je refuse de poser quand des journaux m’appellent, car je ne veux pas prendre le pas sur l’œuvre.


Tu es suivi par près de 120k personnes sur Instagram, qu’est ce qui a suscité un tel engouement pour le portrait de John Hamon ?

J’ai envie de dire, une grosse campagne de promotion. Pour être clair, c’est de l’investissement. Rien n’apparaît par l’opération du Saint-Esprit. C’est un investissement financier et humain. Certes, cela a un coût, mais quel est le coût réel pour être promu par une institution ?


Quelles sont les théories les plus folles que tu as entendu sur ta démarche ?

Le plus déroutant, c’est quand quelqu’un que je ne connais pas me parle de moi. Quand il me dit qu’il connaît très bien John Hamon, que c’est un ami d’enfance, etc. Une fois, je suis passé devant l’affiche à côté d’une personne qui parlait avec une certaine émotion de son ami John Hamon. Finalement, ce n’est pas très difficile de se faire passer pour moi.


Des projets pour l’année à venir ?

Je vais faire une exposition chez Perrotin bientôt.


Tu as réussi à avoir la Typo ?

Il n’utilise pas trop de typo, ce ne sera pas trop un problème pour l’affiche. Ils ne sont pas au courant encore que j’expose chez eux. J’hésite à les prévenir. Là c’est une galerie privée, donc a priori, ils choisissent qui ils veulent. Alors que le Palais de Tokyo est une institution censée représenter la création actuelle. Perrotin, je vais les attaquer sur un autre terrain. Il y a un rapport entre les galeries et les artistes. C’est eux qui ont les clés de l’argent, du réseau… Je vais le faire surement pendant la Fiac.



Un grand merci à John Hamon pour avoir accepté de répondre à nos questions.


Texte : Julien CARRANCE

Photo : John Hamon