Les Fantômes d\'Ismaël : FooouuUU, foouuUUU !

undefined 17 mai 2017 undefined 00h00

Louis Haeffner

On m'avait dit juste avant que je quitte le bureau en direction du ciné : « Desplechin est fou ! ». Je n'irai pas jusque là, je ne connais pas le bonhomme et, quand bien même, je ne suis pas psychiatre. Cependant, je crois pouvoir dire que son dernier film est fou, tant dans le sens de "génial" qu'on lui accorde aujourd'hui volontiers, que comme comportant une dose certaine de folie. Dans les deux cas, c'est positif.


Le pitch est assez simple, du moins en apparence : Ismaël, réalisateur talentueux et reconnu, planche sur son prochain film, sorte de biographie romancée de son frère dont le personnage principal se nomme Yvan Dédalus (un nom récurrent chez Desplechin). Pour le soutenir, Sylvia est là, qui partage sa vie depuis deux ans. Elle est astrophysicienne, et quand il l'a rencontrée, elle vivait seule... un peu comme lui d'ailleurs, car sa femme, Carlotta, est partie il y a vingt ans sans plus jamais donner de nouvelles. Alors que les deux tourtereaux profitent d'un séjour au bord de la mer, Carlotta réapparait subitement, bien décidée à récupérer son mari.

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Ce point de départ laissait augurer le pire, à savoir un presque huis-clos en bord de mer à base de trio amoureux, de paroles chuchotées et de crises de colère sur-jouées, comme le montrait la bande-annonce. Il n'en est rien, rassurez-vous. Déjà parce que le trio d'acteur dont on parle ici est absolument parfait. Amalric possède un physique, un regard très particulier, qui le place d'office à la limite de la folie, et Cotillard sait tout jouer, ça n'est plus à démontrer. Là encore elle impressionne, passant de la douceur la plus candide à une sorte de psychose rentrée qui fait froid dans le dos. Charlotte Gainsbourg, quant à elle, est l'élément "sain" du trio, celle qui exprime des sentiments simples, la tristesse, la colère, la peur, connus du spectateur, elle est notre contact avec la réalité, là où les deux autres fonctionnent comme des vecteurs d'extrêmes. 

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Mais si le film ne tombe pas, et loin de là, dans le drame romantique facile, c'est aussi parce que le cadre narratif se dérobe vite sous nos pieds. Entre les ellipses temporelles, les retours en arrière et les alternances entre l'histoire de base et celle du film dans le film (celui que réalise Ismaël et dont Louis Garrel est le personnage principal, en passant), Desplechin nous raconte plusieurs histoires, en refusant à dessein de choisir un personnage principal. Reste que chacune de ces quatres figures narratives a un point commun avec les autres : le fait de vivre ou d'avoir déjà vécu plusieurs vies en une seule. C'est là que réside, à mon sens, le propos de Desplechin, qu'il amène de main de maître au fur et à mesure qu'on avance dans le film. Comme le dit Yvan quand on lui demande combien de vies il a vécues : « comme tout le monde je crois, deux ou trois... » 

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Arnaud Desplechin tente de nous montrer, avec des personnages fracturés et ce film aux niveaux de lecture multiples, que la vie d'un être humain ne peut s'envisager de manière linéaire, que comme l'Univers, elle comporte plusieurs dimensions. Entre le génie et la folie, la limite est souvent ténue...


Les Fantômes d'Ismaël
, d'Arnaud Desplechin

Avec Mathieu Amalric, Marion Cotillard, Charlotte Gainsbourg, Louis Garrel
En ce moment au cinéma
Le trailer, c'est par là