L\'Amant double, un modèle de thriller érotico-psychologique

undefined 1 juin 2017 undefined 00h00

Louis Haeffner

Avec L'Amant double, François Ozon aborde encore une fois les thèmes qui lui sont chers et qui font le succès de son cinéma. La complexité des sentiments humains, l'équilibre dans le déséquilibre, l'attirance et la répulsion, tout chez lui se décortique, s'observe à la loupe et se transforme en un vertige des sens. Là encore il réussit son coup, avec peut-être même plus de puissance qu'à l'accoutumée, grâce à un duo d'acteurs exceptionnel. 


D'aussi loin qu'elle se souvienne, Chloé a toujours eu mal au ventre. Lors d'un énième rendez-vous chez la gynéco, celle-ci lui suggère de consulter un psy, car pour elle, manifestement, le problème se situe dans sa tête. Lasse, Chloé s'y résout. Grand bien lui en fera, puisque son psy, Paul Meyer, a une stature de dieu grec, un sourire enjôleur et une voix envoûtante. Il faut dire qu'elle n'est pas mal non plus, et Paul, malgré une conscience professionnelle aiguë, ne pourra s'empêcher de tomber amoureux d'elle. Son mal de ventre disparaît enfin. Le couple coule des jours heureux jusqu'à ce que Chloé découvre l'existence de Louis, le jumeau de Paul.

l-amant-double-cinema-critique-ozon

Là, ça devient vraiment intéressant, l'atmosphère intimiste dans laquelle on évoluait commence à s'alourdir, à s'épaissir. Chloé commence à suivre un traitement chez Louis, psy lui aussi, mais aux méthodes sensiblement différentes. On entre alors petit à petit dans un thriller érotique où le jeu de la domination régit tout. C'est là l'aspect le plus intéressant de ce film, et à mon avis ce qui permet au suspense d'exister et aux différents retournements de situation d'être réellement efficaces. Car si le scénario, adapté du polar de Joyce Carol Oates L'Amour en double, est diablement efficace, c'est surtout la charge érotique et presque mystique qui se dégage du rapport entre les deux (trois) protagonistes qui donne sa substance au film, et qui permet à Ozon de briller par procuration.

l-amant-double-cinema-critique-ozon

En effet, c'est sur le talent, la beauté et le magnétisme du duo Jérémie Renier-Marine Vacth que l'on jugera ici le réalisateur. Ainsi, deux ans après avoir joué la sophistication dans Jeune et Jolie, Marine Vacth nous revient toujours aussi électrisante, mais plus mûre, sans atours et les cheveux courts, comme pour souligner encore plus son charisme naturel. Quel regard ! quelle sensualité ! En femme simple et nature, elle est tout simplement irrésistible. Filmée presque à bout touchant, on sent ses muscles se tendre, ses yeux mats transpercer nos défenses, elle nous laisse nus et essouflés, fatigués devant tant de beauté. Jérémie Renier, quant à lui, nous enveloppe de sa voix caressante, basse et monocorde, chaque mot se détachant avec une précision chirurgicale des autres. Son regard clair contraste avec une musculature volumineuse et une apparente maîtrise de soi qui, là aussi, lui confèrent une sensualité preque palpable. Sans parler de son double maléfique et de sa virilité crasse, un peu dégueulasse, mais inexorablement attirante...

l-amant-double-cinema-critique-ozon

Mais si ses deux acteurs crèvent l'écran comme rarement, nous filant au passage assez régulièrement la chair de poule, c'est qu'ils sont parfaitement dirigés, mais également, et peut-être surtout, sublimement filmés. L'esthétisme sobre de certains plans, souvent rapprochés, s'ajoute ici à l'audace des prises de vue, comme lors de la séquence d'ouverture, d'emblée saisissante. Ozon nous plonge une nouvelle fois avec maestria dans les méandres de la psyché humaine en proposant un cinéma physique et sensible, profondément humain... dangereusement humain, dirait-on presque.


L'Amant double
, de François Ozon

Avec Marine Vacth et Jérémie Renier
En ce moment en salles