120 battements par minute, critique en panique

undefined 24 août 2017 undefined 17h22

Louis Haeffner

Jeudi 24 août, j'ai eu la super idée d'aller voir 120 battements par minute le lendemain de sa sortie, mais surtout la veille du jour où j'avais décidé d'aller chercher à l'hôpital Saint-Louis les résultats de mon dépistage effectué un mois plus tôt. J'ai adoré le film, moins l'attente conséquemment interminable du lendemain matin. 


Je vous rassure tout de suite, tout s'est bien terminé, je suis clean, aussi pur qu'un prêtre à sa sortie du séminaire. Cela dit, de 8h30 à 12h30, heure à laquelle je passai finalement dans le bureau du doc, je n'étais pas le plus tranquille des hommes, et ce pour une excellente raison : le Grand Prix de Cannes, dont on voit la chouette affiche bardée de superlatifs un peu partout dans la ville, m'avait sacrément foutu les jetons. Avant de voir ce film, le Sida, la lente agonie douloureuse menant à la mort et tout ça, n'étaient pour moi que des concepts désagréables, des trucs auxquels je choisissais simplement de ne pas penser. Bien sûr, être séropositif, c'est une autre histoire, que Robin Campillo nous conte avec brio. 

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Cette histoire, c'est avant tout une histoire d'amour, celle de Nathan et Sean. Le premier vient de rejoindre Act Up-Paris, une asso qui milite pour offrir plus de visibilité aux malades su Sida et lutter en toute transparence contre ce fléau en effectuant des actions coup de poing. Le second est "séropo" depuis ses 15 ans, et fait partie des membres historiques d'Act Up. Nous sommes au début des années 90, l'affaire du sang contaminé vient d'éclater et le Sida est en passe de devenir un problème politique. Sur fond de de manif' et d'AG houleuses, ces deux jeunes hommes, brillamment interprétés par Arnaud Valois et Nahuel Perez Biscayart, vont tomber amoureux et s'aimer passionnément, et ce malgré la maladie de Sean dont l'issue fatale et irrémédiable plane lourdement au-dessus de leurs têtes. 

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Là réside tout l'enjeu du film, et la virtuosité de son réalisateur. Il filme l'intimité du couple jusque dans son lit, sans compromis mais avec beaucoup de sensibilité, de tendresse et de réalisme. Le bruit du latex qui s'étire, la respiration qui devient saccadée, les confessions sur l'oreiller, c'est toute cette poétique de l'amour cru qui touche au cœur, et qui fait de ces personnages des personnes, tant et si bien qu'on a souvent du mal à réaliser qu'on se trouve devant une fiction et non devant un documentaire. Au sein d'une description en filigrane de la société française des années 90 et de son milieu gay, Campillo montre le destin funeste de Sean, l'amour sans filet que Nathan lui porte, et tout dans son film revêt un réalisme si puissant qu'il touche à un humanisme pur et efface petit à petit la distance entre l'écran et le spectateur, si bien que ce dernier, souvent, contemple malgré lui le générique final les yeux chargés de larmes. 

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Plus qu'une prise de conscience politique et sociale, c'est celle d'une conscience de vivre que ces personnages nous proposent, paradoxalement. On dit qu'on n'apprécie bien que ce qui nous échappe, ce principe n'aura jamais si bien été appliqué au cinéma ; 120 battements célèbre la vie en montrant la mort, et c'est d'une beauté ineffable. Le lendemain matin, dans la salle d'attente, mon cœur les dépassait allègrement, ces 120 battements par minute.


120 battements par minute
, de Robin Campillo

Avec Nahuel Perez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel
Actuellement au cinéma