Les habitants du quartier et les promeneurs du dimanche ont peut-être déjà remarqué les inscriptions qui ornent les rues du sud de Belleville. « Bienvenue à Babelville » peut-on lire, de toutes les couleurs. Intriguant. Rue de la Fontaine-au-Roi, on tombe même nez à nez avec La Cantine de Babelville, faisant concurrence quelques numéros plus haut à la fameuse Cantine de Belleville. Qu’est-ce que c’est ? Pourquoi c’est là ? Qui a fait ça ? On a mené l’enquête.
Un nouveau quartier riche en couleur est né le 24 juin dernier. Baptisé Babelville, il est ingénieusement situé dans le bas du quartier mythique de Belleville. Il fait la part belle à l’art graphique, au jeu, à la bonne humeur... mais aussi à l'histoire du quartier, à son paysage urbain, social et économique. A l’origine du projet, la "reconquête urbaine" de la rue de la Fontaine-au-Roi votée dans le budget participatif en 2014. La mission de revitalisation a été confiée aux psychanalystes urbains de l’ANPU, qui ont pour habitude de « détecter les névroses urbaines et proposer des solutions thérapeutiques adéquates ».
Une psychanalyse urbaine pour panser les maux du quartier
En menant ses recherches, l’ANPU a découvert que de nombreuses richesses du quartier étaient « enfouies dans les sous-couches profondes de son inconscient ». L’agence propose alors de « révéler ces trésors au monde entier pour que petit à petit les habitants et acteurs du quartier ne disent plus je suis au bas de Belleville, ou à côté d’Oberkampf, mais bien avec un large sourire empli de fierté : "J’habite à Babelville ! Soyez les bienvenus à Babelville !" ».
Fabienne Quéméneur, agent de liaison et coordinatrice du projet, nous explique : « Notre démarche est de regarder la ville sous la forme d'une psychanalyse. On plonge beaucoup dans l’Histoire, dans l’écosystème. On a étendu notre recherche sur la population du quartier, lors de séances individuelles avec les habitants, et on entendait surtout parler de bas belleville, surtout de la part des jeunes ; ensuite on a pensé à Bab El Oued, qui est une porte d’alterité, qui se construisait par rapport à l’extérieur, comme le quartier. On savait dès le départ qu’on allait activer quelque chose. Ensuite on a consulté les urbanistes, les historiens, les économistes... pour avoir un plan solide et sérieux du quartier. On a même fait appel à un sourcier pour nous indiquer les zones de circulation d'énergie ! ».
Une diversité des origines déjà documentée
Dans un documentaire sorti en 2010, Emmanuel Destremau avait déjà abordé le sujet en interrogeant des jeunes enfants du quartier. Le synopsis résume parfaitement la diversité des origines.
« Belleville est un des quartiers de Paris aux communautés les plus mélangées. Il est le lieu d’arrivée privilégié pour différentes couches d’immigration à travers les époques : les juifs russes et polonais fuyant les pogroms au début du XXe siècle, les Arméniens fuyant le génocide, les Espagnols arrivés pendant le régime de Franco, puis les Pieds-Noirs tunisiens après l’indépendance, les travailleurs algériens et maghrébins quittant les bidonvilles et s’installant avec leurs familles, les Africains logés d’abord dans des foyers et aujourd’hui la nouvelle vague d’immigration chinoise qui a choisi ce quartier comme territoire d’attache pour accueillir ses nouveaux migrants. »
Un nouveau plan décalé pour les pépites du quartier
En partant de ces questions, les experts ont transformé le quartier pour lui donner une vraie identité. Pour les grands comme les petits, le quartier est un peu plus coloré. Parmi les œuvres et installations, une jolie marelle de Gonzague Lacombe, artiste de rue. Autre projet qui a du sens, la cantine associative de de Babelville en coopération avec la coop mijotée. Pour nous aider à y voir plus clair, l'agence a mis au point un plan avec les pépites méconnues du quartier, expliquant les marquages présents sur l’ensemble du quartier.
On apprend notamment que :
- Le ru de Ménilmontant est un petit ruisseau désigné comme le père géologique de la rue de la Fontaine-au-Roi.
- Les moulins couvraient la colline de Belleville, laissant penser que des éoliennes pourraient les remplacer dans un futur proche.
- Que la rue de l’Orillon est l’axe de transgression par lequel les vignes de Belleville alimentaient en guinguet les fameuses guinguettes de la Courtille.
Si cela reste encore bien mieux mystérieux pour vous, il est toujours préférable d'aller y faire un tour par vous-mêmes... rendez-vous au square Jules Vernes !