La découverte alternative du Bonbon #1 : Employee Of The Year

undefined 3 décembre 2014 undefined 00h00

La Rédac'

Gueules d’anges, looks soignés, Romain et Edouard ressemblent aux gendres idéals. Sauf que le soir après une journée typique au boulot, ils se transforment en Employee Of The Year. Après deux ans de nuits blanches, ils sont fiers de sortir enfin leur premier album entièrement produit par leurs soins. Petits-fils descendants de la French Touch, ils ont créé la Slow French, le genre de son que tu écoutes tranquille en rooftop quand il fait beau. On les a rencontrés à l’Hôtel Jules & Jim dans le troisième arrondissement de la capitale, pour découvrir un peu plus qui se cache derrière ces mystérieux personnages. 

Salut les gars, pouvez-vous vous présenter brièvement, pour ceux qui ne vous connaitraient pas ?

Romain : Nous sommes Employee of the Year. On a inventé un style musical qui est la « Slow French ». Je sais, c’est très prétentieux de dire ça mais on assume. On n’a pas honte de dire qu’on descend de la French Touch, mais en ralentissant un peu le tempo, pour en faire quelque chose de plus dansant. On s’est rencontrés il y a un peu moins de 3 ans. Edouard faisait de la musique en solo et je suis allé le voir à un de ses concerts car on se connaissait par des amis communs. J’ai adoré ce qu’il faisait et de fil en aiguille, on s’est mis à faire de la musique ensemble. Aujourd’hui, on sort notre premier album, qui est sorti le 17 novembre dernier.

Pourquoi ce nom de groupe, qui fait très mecs parfaits, très propres sur eux ?

Edouard : Employee of the Year  c’est l’employé de l’année dans le sens américain, des entreprises qui motivent les troupes. C’est ça qu’on voulait exprimer, et cette capacité d’avoir un rêve et d’y accéder. Pour nous deux, ça veut dire quelque chose de différent. Pour Romain, c’est plutôt un rêve qui l’attire énormément. Alors que pour moi, c’est plutôt un truc qui me fait peur. Parce qu’on a tous les deux un métier de journée, et moi j’aime cet équilibre-là, que j’ai toujours eu, avoir un truc en journée, et la musique à côté, comme une double journée. Moi ça me rassure. Du coup le fait de faire seulement de la musique, ça me fait beaucoup plus peur que Romain. Donc je pense que plein de gens peuvent se retrouver dans Employee of the Year. Le concept c’est d’accéder tout le temps au parfait, au très bien, dans l’entreprise, dans la société.

Romain : Pour moi c’était aussi un petit pied de nez au fait qu’on peut très bien avoir un job très sérieux la journée et faire quelque chose de plus artistique, de différent à côté. On s’est rendus compte que le concept parlait pas mal à nos amis, à notre génération, les trentenaires qui ont fait des études, qui ont un job sérieux, mais qui sont toujours un peu insatisfaits parce que le boulot est très prenant et qu’ils aimeraient tous soit se mettre à la photo, se mettre à la vidéo, au sport... C’est un peu ça le concept qu’on a essayé d’instaurer.

Avant de vous lancer dans ce concept, est-ce que vous avez eu une source d’inspiration ?

Romain : On s’est surtout inspirés de nos vies.

Edouard : Ouais, surtout de nous. Autant la musique que l’image, c’est nous. On n’a pas vraiment de source d’inspiration extérieure. C’est comme ça qu’on fonctionne.

Romain : C’était le constat qu’on faisait quand on se retrouvait en studio après le boulot. On s’y mettait pas tout de suite, on se racontait notre journée et on se rendait compte que toutes les séances en studio commençaient par ça. C’était la vraie vie, on se disait « voilà c’est nous ». C’est plus facile de parler de quelque chose qu’on connait, de s’en inspirer, que de fantasmer un rôle de poète maudit ou de compositeur maudit.

Edouard : Il y a plein de chansons, par exemple « Berlin », où l’on a fait un voyage à Berlin ensemble. Romain retransmet cela à travers des paroles. C’est vraiment nous.

Vous avez donc sorti votre album le 17 Novembre dernier, comment ça s’est passé ? Vous avez déterminé un délai spécifique, ou vous avez pris votre temps ?

Edouard : On a fait tout ça dans notre propre studio, donc on n’avait pas besoin de s’imposer un calendrier. On l’a commencé il y a 2 ans. Ça a été assez long, parce qu’on a aussi appris à faire de la musique ensemble. Ça n’a pas été évident, ça a pris du temps, on a fait des allers-retours, des erreurs. Avant de se mettre au diapason ça prend un peu de temps. Tout a été fait à la maison. Ça a été enregistré, composé, mixé à la maison, et masterisé à Londres. Pour le prochain, on fera un tout à Paris ça c’est sûr, et après on verra de qui on s’entourera. Parce qu’on pense déjà à la suite.

Romain : C’était vraiment ça, on a très vite eu l’idée de faire un album, et après les lives pendant les deux années nous ont permis aussi de nous corriger. De nous rendre compte que des choses qui nous plaisaient ne rendaient pas bien du tout en live, on a rallongé des morceaux qui semblaient trop courts pour le live, ou on jouait des morceaux longs beaucoup plus vite… On ne s’est pas mis vraiment de pression.

Produire un album en  indépendant en 2014, c’est comment ?

Edouard : C’est compliqué et peu compliqué en même temps. Avec Internet, c’est très facile. Tu exportes le fichier, tu vas sur un site bien précis et tu te retrouves sur Itunes 3 semaines après. Donc pour ça c’est simple. Mais c’est en même temps très compliqué car il y a plein de vrais métiers (ingénieur du son, mixeur, réalisateur, ingénieur mastering), qu’on ne pourra pas remplacer, donc c’est pour ça qu’on a utilisé un ingé-son à Londres par exemple. C’était en partie aussi pour rattraper certaines erreurs qu’on avait faites, on en était conscients. On a fait le mixage nous-même, chez nous. Donc voilà, c’est en même temps simple, et en même temps pas facile, il faut assumer le côté autoproduit jusqu’au bout, avec les erreurs et les imperfections que ça amène. On n’a pas le mixeur de Lady Gaga, le réalisateur de Phoenix. Mais c’est la vie, c’est ça aussi Employee of the Year, la réalité avec les erreurs.

Romain : Et c’est ce qui nous sert aussi je pense parce que si on était dans un studio professionnel avec 25 super synthétiseurs vintages, 30 guitares, 12 basses, on perdrait peut-être du temps à toutes les essayer pour trouver, alors que là on sait qu’on a du matériel à la maison qui est défini et qu’on doit en tirer le maximum. Finalement on se concentre beaucoup plus sur la musique et les chansons que sur le matériel. Le chemin importe peu, c’est le produit qui nous intéresse.

La suite de l'interview en page 2 !

Votre album est défini comme un disque nocturne. Est-ce le fait de l’avoir réalisé après le boulot, le soir ?

Romain : C’est certain. Pour nous, le moment créatif, c’est vraiment le soir. C’est assez rythmé, 20h-00h. Il y a aussi un truc que j’aime bien, c’est composer en voiture, dans les embouteillages. Je me mets les plaquettes que m’envoie Edouard en boucle et je les chante tout seul dans la voiture. Je ne peux pas être plus seul que dans ma bagnole dans les embouteillages.

Edouard : J’ai un ami qui m’a dit « la voiture t’es déjà chez toi », et c’est très vrai. T’es rarement aussi seul que dans ta bagnole.

Romain : Mais oui, tout a été écrit tard. Pour moi c’est plus tard qu’Edouard, plutôt 22h-00h. Je ne peux pas m’y mettre tout de suite en rentrant du bureau.

À ce qu’il paraît, vous avez deux personnalités très différentes…

Edouard : Oui Romain est plus émotif que moi. Mais c’est mieux pour le chanteur, c’est lui qui écrit les paroles.

Romain : Je pense que c’est notre grande force. Premièrement, on est très amis, on est capable de se balancer des choses extrêmement fortes à la figure parce qu’on sait exactement ce qu’on veut faire comme musique. Edouard lui est musicien au sens propre du terme, il connait la musique, il a étudié des instruments. Moi je ne suis pas capable de composer de la batterie, du piano. Lui a un travail vraiment dans la recherche, il va aller rechercher des sons, des idées, il va beaucoup plus travailler sur le squelette de la chanson. Après on fait le tri ensemble.

Pour vous, quelle est la chanson emblématique de ce disque ?

Edouard : Ma préfère est « Home ». C’est la dernière qu’on a faite, c’est souvent ça. La dernière c’est souvent celle qu’on préfère. Moi j’aimerais bien en refaire une autre version.

Romain : Moi ma préférée c’est « Down », parce que c’est celle qu’on a fait en une soirée. On sortait du boulot, j’ai branché ma guitare dans une boucle et franchement on a dû la faire en deux ou trois heures. C’est un instrumental, je trouvais que c’était la plus instantanée. C’est celle qu’on avait fait écouter à personne. Aucun de nos amis ne la connaissait. Je trouvais que c’était la première fois qu’on arrivait à faire une jam qui était une chanson, et ça pour moi c’était top. Mais « Home » aussi comme c’est la dernière qu’on a faite, je trouve qu’elle résume bien ce qu’on appelle la « Slow French ». Cette French Touch un tout petit peu plus lente que d’habitude, mais qui reste très pop.

Comment est née votre collaboration avec Masonberger, le gars qui s’est occupé du visuel de votre album et de vos clips ?

Romain : Lors d’une soirée, j’ai rencontré Arnaud (ndlr : Masonberger), qui venait de sortir une bande dessinée. Du coup, j’en ai parlé à Edouard, en lui montrant ses travaux. On a tout de suite été emballés. Du coup on est directement partis sur l’idée de faire plusieurs clips, une histoire, un héros, ce fameux Employee of the Year qu’on retrouve. Quand il nous a montré notre premier clip, c’était au-delà de ce qu’on attendait. Parce qu’il fait tout à la main, il dessine à la main, à l’encre de Chine, il scanne, il anime tout sur ordinateur. Et franchement c’était encore mieux que ce qu’on imaginait. C’est quelqu’un qui fait ça tout seul, le soir, chez lui, et c’est génial. On était emballés. Il est vraiment bourré de talent.

Edouard : C’est aussi un employé de l’année !

La suite de l'interview en page 3 !

Actuellement, y-a-t-il un artiste de la scène française qui vous attire particulièrement ?

Edouard : On n’écoute pas vraiment la même musique. Moi je n’ai pas d’artiste défini. Je respecte beaucoup le travail de Zdar, j’aime bien sa manière de faire. Après un morceau je vais l’écouter 3-4 fois, et après je ne l’écouterai plus. C’est devenu très technique la musique pour moi. Par exemple, j’aime bien comment untel joue de la batterie, donc je vais écouter parce qu’il a fait de la batterie d’une façon particulière, pas parce que j’aime bien la chanson.

Romain : Alors que moi c’est l’inverse. Je suis vraiment une espèce de fan. Pour moi le groupe Phoenix, même s’ils jouent en Anglais, c’est parfait. Tous leurs albums sont cool, tant en terme de production, de technique, de jeu, de texte. Je les ai vus en live c’était hallucinant. Ça va être un peu cliché mais j’aime bien Christine and the Queens, cette fille, je la trouve démente. Et il y a le duo The Do, c’est une sucrerie, un bonbon pour moi.

Avez-vous un coup de cœur à recommander aux lecteurs ?

Romain : Il y a un artiste anglais dont on s’est permis de faire un remix l’année dernière qui s’appelle Sohn. Quand son album est sorti, il nous a mis d’accord avec Edouard, on s’est dit que ça, c’est vraiment bien de A à Z. C’est vraiment un mec qui mérite une grande carrière internationale. Il fait tout lui-même, il produit et il chante. Aussi ce que j’aime bien chez lui, tout comme chez Daft Punk, c’est de garder un certain mystère ou de se créer un avatar, se masquer pour mettre en avant la musique. C’est quelque chose qu’on aime bien avec Edouard. Parce que tu te concentres essentiellement sur la musique.

Edouard : Il y a James Blake aussi.

Romain : Et James Blake aussi oui. Mais lui est déjà assez connu, je crois qu’il va travailler avec Kanye West. Mais James Blake et Sohn, ce sont vraiment des mecs qu’on apprécie

Leur passeport parisien en page 4 !

Passeport Parisien

Pourquoi ce lieu de rencontre ? Hôtel Jules & Jim. Parce qu’on a l’habitude d’y aller, pour notre agence de booking et artistique (Records Collection), qui avait son bureau à l’étage. C’est assez sympa, il y a des soirées ici de temps en temps. C’est un hôtel à la base, assez agréable, avec un feu de cheminée. C’est un endroit assez caché, on est l’intérieur, dans une cours.

Salle de concert préférée – On aime bien Badaboum. Et s’il fallait parler d’une grande salle à Paris, pour nous ce serait la Cigale. C’est beau, pas trop grand, le son est toujours génial.

Un arrondissement de prédilection – Le 20ème, car maintenant notre studio est là-bas, à Jourdain.

Un resto Le Braiseenville, dans le 9ème. C’est on va dire un resto de tapas gastronomiques. C’est vraiment très bon, on s’y régale. Il se situe au 36 rue Condorcet. Mais pensez à réserver parce que c’est souvent blindé !

Un bar/café Le café du cinéma des cinéastes, Place de Clichy. C’est agréable de pouvoir boire un verre avant d’aller boire un film. Sinon ils ont refait le Louxor, Porte de la Chapelle, il y a maintenant une terrasse où on peut boire un verre en regardant le métro aérien qui passe. C’est assez marrant.

Lieu pour s’amuser – On aime bien le Zigzag. Sinon on ne sort pas beaucoup. Mais le Zigzag, le Wanderlust, on aime bien.

Lieu pour se détendre – En ce moment on découvre les Buttes Chaumont. C’est juste à côté de notre studio. C’est un vrai parc, il y a des chutes d’eau. c’est vraiment très bien.

La pire ligne de métro – La ligne 13. Elle est toujours bondée…

Quartier shopping – Ca dépend pourquoi. On achète nos vinyles aux Batignolles. On aime bien la boutique Groove Store, qui ne vend que des vinyles de funk, et All Access Music, rue Brochant, où ils ne vendent que des pressages originaux.

Une activité culturelle – Il y a une expo dans la Résidence de l’Ambassadeur de l’Afrique du Sud, les 6 et 7 Décembre, 5 rue Cimarosa dans le 16ème, à côté de la Place de l’Etoile. Cette expo réunira une quinzaine d’artistes, Français et internationaux, des vidéos, de la musique, des illustrations, de la peinture... On espère pouvoir venir passer quelques sons. C’est une expo cachée qui s’appelle plug-in, vous ne la trouverez certainement pas sur Internet.

Propos recueillis par : Ivica MAMEDY et Céline PENICAUD