Journal d’une confinée à Paris : day 8

undefined 23 mars 2020 undefined 17h58

Morgane Espagnet

Avant toute chose, je dois vous préciser que j’ai emménagé dans mon nouvel appart’ il y a une semaine seulement. Et confinement oblige, je n’ai pas pu me faire livrer mes meubles. Résultat : je vis survis dans un 20 m2 rempli de cartons avec pour seul mobilier un canapé.

7h34. D’habitude, le lundi, je me lève vers 8h, je prends une douche, un petit-déj’ et je fonce au travail. Sauf que ce lundi, rien n’est pareil. Mon appart' n’ayant ni volet, ni rideau, je me réveille naturellement avec le lever du soleil. J’ai la tête à l’envers, les yeux qui se ferment, un horrible mal de dos et un bon gros mal de crâne. C’est tout à fait normal, quand on sait que la veille, j’ai passé le plus clair de mon temps à regarder des séries et que j’ai une forte tendance à faire des migraines quand je passe la journée devant un ordi. Bref, je vis une gueule de bois avec la solitude en plus et l’alcool en moins.

10h50. Mon estomac crie famine. Dans un dernier instinct de survie, je fais l’effort ultime de me lever et de traverser mon appart' pour me servir un thé. J’arrive à destination sans renverser de plantes ni casser de cartons, je suis plutôt fière de moi. Je gobe instinctivement un médicament pour atténuer mon mal de crâne et je retourne sur mon canapé dévorer un bol de céréales. La journée peut enfin commencer.
 

13h26. Bizarrement, je commence à m’habituer à ce confinement. La folie ne s’est pas encore emparée de moi et je me surprends même à sourire. Je profite des rayons du soleil qui viennent chauffer ma peau et de la mélodie qui émane de l’appartement voisin. Je ne sais pas si c’est dû aux médicaments beaucoup trop puissants qui me rendent complètement stone ou au fait que mon voisin joue très bien du piano, mais à cet instant je me sens bien. Vraiment bien.

15h41. Les médicaments ne font plus effet. Mon mal de crâne est revenu et cette journée me semble interminable. Je décide enfin de me lever pour prendre une douche et sortir faire des courses. Les rues sont quasi-vide et je culpabilise presque en faisant quelques pas dehors. En errant dans les rayons du supermarché à la recherche désespérée d’un paquet de PQ égaré, j’ai des sueurs froides et je panique à l’idée de rester enfermée entre quatre murs avec comme seules occupations du ménage, de la lecture et des séries. Je commence à réfléchir à des plans d’évasion pour fuir la capitale et rentrer en Province chez mes parents, mais c’est impossible. Il va falloir survivre seule dans ce satané studio. Cette réflexion augmente considérablement mon mal de crâne. Je deviens intolérante aux néons jaunes du Monop’, aux chansons d’Angèle qui tournent en boucle et à ce p***** de gosse qui hurle à côté de moi. J’écourte la seule sortie de la journée et me dépêche de rentrer.

18h12. Le pseudo musicien qui me sert de voisin me tape sur le système. Je ne sais même pas comment c’est possible de stocker plus de trois instruments dans un appart' ni même de savoir en jouer autant. Au début j’adorais l’entendre jouer du piano, parce que moi aussi je suis passionnée de musique et que j’en ai fait pendant des années. Sauf qu’après il y a eu la guitare électrique et le saxo (jusque-là tout va bien). Et puis il y a eu le drame… le violon. Vous me direz, c’est sympa le violon. Oui, mais quand on sait en jouer. Là, j’ai l’impression d’assister au concert de fin d’année d'un enfant de sept ans qui joue comme un pied. Oui, c’est un peu méchant, que Dieu me pardonne. Pour la peine, j’attrape la dernière bière de mon frigo et pousse le son de la télé à fond pour étouffer ses horribles grincements. Entre fatigue, angoisse et solitude, je me dis que finalement, pour un 8e jour de confinement, je m’en sors plutôt bien... Allez, vivement demain !