« J’arrive, j’ai eu des problèmes de bagnole. J’aurais mieux fait de venir en vélo », s’excuse au téléphone Thierry Breton. 10 minutes plus tard, le tenancier et chef des restaurants La Pointe du Grouin, Chez Michel et Chez Casimir pointe le bout de son nez sur la terrasse du premier. 50 ans ? Pas une ride. Infatigable ? On dirait bien.
L’histoire d’amour culinaire entre la rue de Belzunce et Thierry Breton commence en 1995, onze ans après son arrivée à Paris à 15 ans, quand il reprend l’historique maison Chez Michel au numéro 10. Presque par hasard, elle continue en 1998 quand il apprend que Chez Casimir, au 6, cherche un repreneur. 100 000 francs et beaucoup de paperasse plus tard, l’affaire est à lui.
« Il faut imaginer le quartier complètement différemment. L’Eurostar venait tout juste d’arriver, les toxicomanes aussi, ce n’était pas du tout le 10e d’aujourd’hui. Avec Chez Casimir, je voulais rendre ses lettres de noblesse au bistrot populaire, comme celui de mes parents : ardoise courte du jour, petits prix, pas de nappes, service un peu gueulard, les clients se lèvent pour remplir leur carafe d’eau à la fontaine... Et regarde, c’est encore comme ça 20 ans plus tard ! » Vu le nombre de gourmets attablés en terrasse, Thierry a visé juste.
Les restaurants ne désemplissent pas, la ferveur du chef non plus. Inlassable, le cinquantenaire produit désormais son propre pain dans l’atelier caché sous la Pointe du Grouin, petite dernier ouvert en 2013, et défie les lois de la fatigue en les livrant dans 140 adresses parisiennes à vélo (aidé de plusieurs autres cyclistes, faut pas déconner).
Une partie du staff de La Pointe Du Grouin
« Un jour, on s’est demandé pourquoi le pain qu’on achète était parfois si dégueulasse. Alors on en a fait nous-mêmes, dans la cuisine. Figure-toi que ce n’est pas une question de farine mais une question de temps et d’attention. Avec les machines, on a plus d’efficacité c’est certain, mais moins de qualité. Au début je me disais qu’on allait faire ça juste quelques semaines mais l’un des plongeurs voulait continuer, donc c’est ce qu’on a fait. »
Aujourd’hui, l’ado monté à la capitale pour se former dans les cuisine du Ritz a une trentaine d’employés, et pas n’importe lesquels. « Nous on aime bien bosser parce qu’on aime bien ce qu’on fait. Ici tout le monde fait tout, les cuisiniers servent, les serveurs font des assiettes… Je n’embauche que des gens autodidactes, sans CV, juste des personnes motivées qui ont soif d’apprendre. »
Motivé ? Thierry Breton est bien la preuve que qui ne tente rien n’a rien, alors foncez maintenant !
T’as pas 100 grouins ?
Pour répondre à la question qui brûle toutes les lèvres, le grouin, la monnaie locale, n’est pas une fantaisie marketing. « C’est simple, comme beaucoup de trucs sont à 2€, on draine pas mal d’espèces. Au lieu de rendre la monnaie, de s’emmêler les pinceaux, on paye en grouin (1 grouin = 1€, ndlr). Moins de manipulation, pas de tentation de vol et plus d’efficacité. Si t’as du rab, tu peux acheter une boîte de sardines dans l’épicerie fine à 6 grouins et repartir avec un truc. »
Chez Michel / Chez Casimir / La Pointe du Grouin
Rue de Belzunce – 10e
