« Pas de justice, pas de paix », peut-on lire en grosses lettres noires sur la vitrine de la librairie Majo. Depuis la rue, cette devanture attire l’œil et annonce la couleur : ici, ça dénonce, ça gueule et ça ne s’en cache pas. Être tout lisse, tout sage et s’exempter de ligne éditoriale ? Ce n’était pas le projet de Juliette et Margot. Celui-ci est résolument féministe, « militant », même : les deux co-gérantes se sont plongées dans le monde du livre pour embrasser leurs convictions et offrir une plateforme visibilisant « la voix des femmes et des minorités de genre ».
« Tout est parti d'un FaceTime »
Que le temps a passé depuis Sciences Po. Les deux amies se sont rencontrées au campus du Havre, ont partagé un appartement lors d'un échange de six mois au Japon, et si par la suite leurs chemins de carrière se sont séparés, elles se sont toujours suivies, « comme un vieux couple », plaisantent-elles. Une connexion palpable dans leurs échanges, comme lorsqu’elles se remémorent l’instant où Majo a pris vie. « Tout est parti d'un FaceTime. On était toutes les deux au bord du burn out, on en a parlé comme une blague, et finalement, un an et demi après, on l’avait fait », explique Margot. Fin octobre 2022, leur librairie féministe ouvre, concrétisation de leur « amour du livre », du « besoin de s’engager professionnellement » et d’être indépendantes, aussi. Éminemment politique, le projet a du sens en ce qu’il résonne avec le mouvement #MeToo, qui leur a « mis une claque ».
© Lucie Guerra
L'ouvrage sera féministe ou ne sera pas
Dans les rayons de la librairie, des livres colorés de toutes les tailles, parmi lesquels on discerne les essais engagés de Lauren Bastide ou Moïra Sauvage, mais pas que. Manga, ouvrages fantastiques, merveilleux, science-fiction, poésie… Chaque œuvre, quel que soit son genre, est sélectionnée avec soin, grâce à un faisceau d’indice permettant de jauger son inclusivité. « Si c’est problématique, ça dégage », lance d’emblée Juliette. « La réussite au test Bechdel (test qui met en évidence la sous-représentation de personnages féminins dans une œuvre de fiction, NDLR) est indispensable, et ensuite, on regarde le thème ou encore comment les personnages évoluent ». Chez Majo, les hommes cis hétéros sont exclus de la partie : on y privilégie les femmes et les minorités de genre (personnes non-binaires, hommes transgenres, et parfois, les auteurs gays). Une exigence assumée qui en fait l’une des librairies féministes les plus radicales de Paris.
Sans expérience préalable de libraires, Juliette et Margot sont pourtant comme deux poissons dans l’eau. Pour elles, tout baigne. « Quel plaisir de venir et échanger sur ses idées avec les client·e·s », se réjouit Margot tout sourire. Elles ont pensé leur cocon comme un espace de vente, mais aussi de rencontres autour de leurs convictions. Si leur café vegan vient de fermer, faute de rentabilité, les deux acolytes regorgent d’idées pour développer les activités au sein de la librairie. « On propose des cercles de lecture, des ateliers d’écriture, de broderie, des soirées poésie, et on tente de développer notre espace de papeterie », détaille Juliette.
© Lucie Guerra
Plus de 6 000 références
Quand elles ne sont pas en train de rédiger de tendres revues sur fiche bristol pour mettre en avant leurs coups de cœur, elles conseillent Clémence, leur « plus fidèle cliente » qui vient tout les jours dévorer les bouquins de l’espace jeunesse. Avec plus de 6 000 références, il y a de quoi faire chez Majo, mais nos deux rats de bibliothèque ont tout de même deux recommandations pour ce mois d’avril : tandis que Juliette, après moult hésitation, a choisi Et, refleurir de la poétesse Kiyémis, Margot s’est immédiatement jetée sur Plein ciel de l’artiste Siècle Vaëlban. Vous savez désormais où dégoter ces merveilles de littérature, celles passées et toutes les autres qui suivront.
Librairie Majo
27, rue des Boulangers - 5e
Ouvert du lundi au dimanche
Tél : 09 86 16 94 96