Le glyphosate, herbicide à risque, pourrait être de nouveau autorisé pour dix ans

undefined 22 septembre 2023 undefined 12h42

Flora Gendrault

Ursula Von Der Leyen, présidente de la Commission Européenne, vient de proposer aux États membres de renouveler l'usage du glyphosate pour dix ans au sein du territoire européen, alors que l’expiration de son autorisation dans l'UE est fixée à mi-décembre. Une annonce qui fait polémique tant l’herbicide est controversé : en 2015, l'OMS l'a classé « cancérogène probable ».


L’herbicide le plus utilisé au monde 

C’est quoi le glyphosate, au juste ? La molécule de ce puissant herbicide a été inventée dans les années 70 par des scientifiques américains, et a été commercialisée sous la marque Roundup dès 1974. Tombé dans le domaine public au début des années 2000, le glyphosate a pu être utilisé par d’autres entreprises, et s'est popularisé dans le monde entier

On retrouve du glyphosate dans plus de 750 produits commercialisés par plus de 90 fabricants, répartis dans une vingtaine de pays. En France, il a été le pesticide le plus vendu entre 2008 et 2013, selon une enquête d'Envoyé spécial. L’herbicide s’installe dans le système central des plantes pour les détruire de l’intérieur, inhibant une enzyme dont les mauvaises herbes ont besoin pour pousser. 2/3 des agriculteurs les utilisent, particulièrement dans les champs de colza, de blé et de maïs. 

La population, elle, se retrouve en contact avec les résidus du pesticide, détectés dans 53% des cours d’eau représentatifs et testés par le Commissariat général au développement durable. Une étude de l'association Générations futures constate que notre nourriture se retrouve elle aussi contaminée, notamment les céréales et les lentilles. 


Une classification « cancérigène probable » 

L'efficacité de l'herbicide a fait ses preuves, mais voilà, en 2015, le glyphosate a été classé « cancérigène probable » pour les humains par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Un avis contredit quelques mois plus tard par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Malgré la controverse scientifique, assez de doutes étaient admis pour exiger le retrait du produit selon les associations de lutte contre les pesticides de synthèse. En 2021, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a estimé que les études scientifiques publiées sur le sujet confirmaient un lien entre l’exposition aux pesticides et six pathologies

Face à ces révélations, Emmanuel Macron, tout juste élu, tweetait en 2017 : « J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France au plus tard dans trois ans. » Son objectif était alors d’arriver à une interdiction du glyphosate en 2021. L’Union européenne, elle, s'est montrée moins courageuse : à la même époque, sous la pression des lobbies agricoles, elle renouvelle l’autorisation du glyphosate jusqu’en décembre 2022, puis la prolonge d'un an en attendant une évaluation scientifique de l’EFSA. Celle-ci est tombée cet été. 


Vote prévu à la mi-octobre

Cet avis, publié en juillet 2023, vient encore semer le doute sur la dangerosité du produit. L’EFSA affirme ne pas avoir identifié de « domaine de préoccupation critique » chez les humains, les animaux et l’environnement susceptibles d’empêcher l’autorisation de l’herbicide. La Commission propose donc d'autoriser le glyphosate jusqu'au 15 décembre 2033, soit pour une durée deux fois plus longue que la précédente autorisation. Elle rompt ainsi avec les objectifs du Pacte vert, qui vise à réduire de 50 % l'usage des pesticides dans l'Union européenne d'ici 2030. 

Les États qui voteront en sa faveur devront représenter au moins 65% de la population européenne pour le valider. Le vote aura lieu à le vendredi 13 octobre.