Jean-Jacques Lequeu et Fernand Khnopff éblouissent le Petit Palais

undefined 10 décembre 2018 undefined 17h19

Jeanne Gourdon

Au Petit Palais, deux rétrospectives s'ouvrent le 11 décembre. Celles de Jean-Jacques Lequeu et de Fernand Khnopff. L'occasion de (re)découvrir ces deux artistes qui ont chacun produit des centaines d'œuvres plus incroyables les unes que les autres. 


Jean-Jacques Lequeu, bâtisseur de fantasmes

Artiste du XVIIIe siècle, c'est la première fois qu'une rétrospective lui est conscacrée. Méconnu de son vivant, son art est pourtant novateur et singulier. Originaire d'une famille de menuisiers de Rouen, Jean-Jacques Lequeu est d'abord dessinateur technique. Très doué, il est rapidement recommandé par ses professeurs auprès d'architectes parisiens comme Soufflot. Alors occupé par le chantier de l'église Sainte-Geneviève (actuel Panthéon), l'architecte le prend sous son aile. Dix ans après la mort de ce dernier en 1780, et à l'arrivée des boulversements révolutionnaires, la carrière d'architecte de Lequeu ne décollera pas. C'est à se moment-là que l'artiste se libère des contraintes techniques. 

Le château de plaisance © Victoria Gaide

À travers cette exposition, vous decouvrirez le parcours atypique, le processus de création et les différentes facettes de son œuvre. L'expo s'ouvre sur une série de portraits et d'autoportraits, un moyen de faire connaissance avec l'artiste. On peut observer le travail sur les émotions, les traits, le regard, les sentiments dans les visages représentés. Ses projets d'architecture ne voyant pas le jour, il continue pourtant à dessiner des édifices inscrits dans des paysages oniriques. C'est là que le voyage commence. Entre montagnes, grottes, édifices en marbre blanc, des temples en buissons ou encore des labyrinthes, vous pourrez vous imaginer vous baladant dans les œuvres au rythme des coups de crayon. 

Le grand Brailleur © bibliothèque en ligne Gallica

L'exposition se termine sur une série de portraits érotiques. Toujours avec une précision architecturale, il dessine des corps entre statue antique et réalité anatomique.

Dans l'impossibilité de façonner le monde avec des pierres, il le fait dans sa tête puis sur le papier. Tout voir, tout décrire, de la ligne d'une colonne à celle d'un sein, du portrait presque burlesque à l'autoportrait, Lequeu dépeint son univers, comme une quête pour se connaître lui-même

En 1825, il donne à la bibliothèque royale l'ensemble de ses feuilles. Au XXe siècle, des recherches ont permis de redécouvrir l'artiste, et son œuvre incroyable et déconcertante. 


Fernand Khnopff, le maître de l'énigme

Cela faisait 40 ans que l'artiste n'avait pas bénéficié d'une rétrospective à Paris. Elle a été rendue possible grâce aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique. À la fois peintre, graveur, sculpteur, dessinateur et metteur en scène de son œuvre, cette exposition rassemble les pièces les plus emblématiques de Khnopff. La mise en scène de l'exposition est celle de sa demeure, qui lui servait aussi d'atelier. On plonge dans le temps et dans la vie de l'artiste. On peut lire dans la premiere pièce comme le sommaire d'un livre à plusieurs chapitres : paysages, portraits d'enfants, des rêveries inspirées des Primitifs flamands aux souvenirs de Bruges-la-Morte, son attrait pour Hypnos, dieu du sommeil... Mais aussi, son travail avant-gardiste sur la photographie. Dans cette pièce, vous commencez votre balade à travers les 150 œuvres de Fernand Khnopff, provenant de collections privées. 

Le masque au rideau noir © Christie's image/Bridgeman images

Le parcours de l'exposition reprend les couleurs de son atelier pour tenter de cerner sa personnalité complexe et ses obsessions. Du portrait aux souvenirs oniriques, du fantasme au nu, vous vous plongerez dans l'esprit de ce maître du symbolisme, en commençant par les paysages de Fosset où il a passé plusieurs étés avec sa famille. Déjà, on ressent son attrait pour l'introspection et la solitude. 

Puis, on retrouve une facette plus connue de son œuvre : le portrait. Il dessine sa mère, des enfants aux airs bien sérieux, de temps en temps des hommes mais surtout des figures féminines notamment sa sœur, Marguerite, avec qui il noue une complicité secrète. Elle devient sa muse.

C'est avec elle qu'il travaille sur la photographie en réalisant une série de portraits. C'est à travers ce média que Khnopff peut étudier la pose et la gestuelle de son model favori qu'il déguise à sa guise en princesse ou encore en divinité orientale. Il fait également photographier ses œuvres par un professionnel de renom, Albert Edouard Drains dit Alexandre et retravaille les tirages au pastel, au crayon ou à l'aquarelle. Khnopff est fasciné par la figure d'Hypnos qu'il fait souvent apparaître dans son travail. 

Vous pourrez aussi découvrir une série de dessins et de tableaux de nus sensuels exaltant la féminité. Des illustrations oniriques de femmes représentant "l'éternel féminin".

Portrait de Marguerite Khnopff Photo : F. Maes 

Le plus de cette exposition : pour mieux comprendre l'œuvre de Khnopff et le symbolisme en Europe, et en référence aux diffuseurs de parfums présents dans son appartement/atelier, quatre stèles audio-olfactives ponctuent l'exposition. Elles vous permettront de sentir et d'écouter une musique et un poème lié aux œuvres en simultané, insistant sur les liens entre art et sens. Vous pourez aussi vous installer dans le "salon symboliste", où vous aurez la possiblitité d'ouvrir un livre, d'observer des photos, il y aura aussi des animations théâtrales, musicales ou encore littéraires. 

Deux expositions différentes mais cependant en résonnance part le génie des deux artistes. À cent ans d'écart, les œuvres de ces deux rétrospéctives vous feront voyager dans deux époques et deux styles différents. Entre rêves et réalité, vous vous perdrez dans les tableaux pour votre plus grand bonheur. 


Petit Palais 
Avenue Winston Churchill – 8e

Jean-Jacques Lequeu 
Du 11 décembre 2018 au 31 mars 2019
11€ plein tarif, 9€ tarif réduit

Fernand Khnopff
Du 11 décembre 2018 au 17 mars 2019
13€ plein tarif, 11€ tarif réduit