Martine Barrat : \"Mohamed Ali a dédicacé mes photos du South Bronx\"

undefined 12 novembre 2018 undefined 12h04

Marie-Carline

Martine Barrat est une photographe qui ne devait pas en devenir une. La vidéaste et réalisatrice, touche-à-tout de génie, expose à Paris, à La Place Centre Culturel Hip-Hop. À 85 ans, l'artiste garde son âme d'enfant et la même énergie créative, voyageant de La Goutte d'Or au South Bronx, là où tout a commencé. 


« Allo c'est Mohamed Ali... »

Back to the 70's. Quand Picture girl, surnom que les habitants du South Bronx donnent à Martine Barrat, revient sur son lieu de travail, c'est l'émotion, entre joie et colère, qu'elle exprime. La joie : « Mon plus grand souvenir de cette période, où j'ai travaillé avec les Roman Kings et les Ghetto Brothers, deux gangs du South Bronx, c'est quand Mohamed Ali a dédicacé le corpus de photos que je lui avais envoyé, immortalisant cette collaboration. Il m'a appelée en me disant : "Allo, c'est Mohamed Ali..." ». Et quel a été son etonnement quand "The Greatest", le boxeur héros de la communauté noir, lui a fait parvenir toutes les photos signées de son nom en guise de cadeau. « Le plus grand bonheur de ma vie », ajoute-t-elle.


« Des jeunes qui dansent dans l’entrée d’un HLM. Ils avaient cousu eux-mêmes leurs costumes » ©Martine Barrat

La colère quand elle fait le tour du quartier du South Bronx, pour voir ses amis des gangs qu'elle n'a pas perdu de vue depuis leur rencontre, et que certains membres manquent à l'appel, car en prison ou disparus. Quand elle évoque l'univers carcéral aux États-Unis, elle ne peut s'empêcher de comparer ce système à celui de « l'esclavage, quand on voit que les prisonniers sont payés 50 dollars par mois. Le pire c'est que le stigmate reste après. Une femme pompier ne pouvait plus trouver de travail, ni voter après avoir été en prison »...


« Aujourd’hui il y a presque 3 millions de gens en prison aux États-Unis. On voit qu’encore aujourd’hui il est difficile de trouver un travail quand on est noir » ©Martine Barrat


« Il faut que les jeunes se bougent »

L'enfance et la jeunesse sont ses thèmes de prédilection. « Les enfants ont tellement de choses à nous apprendre. Moi, j'ai appris l'anglais grâce aux jeunes du South Bronx. Ils m'ont aussi appris les derniers pas de danse à la mode. » Martine Barrat garde son optimisme même si elle fait l'amer constat que les discriminations perdurent pour les minorités hispanique ou afro-américaine au États-Unis. 


« Des jeunes jouant dans la cage d’escalier d’un HLM » ©Martine Barrat

D'ailleurs "Picture Girl" continue à se battre pour ceux qu'elle aime. Elle aime répéter qu' « il faut tout faire même si on n'a pas de moyens ». Et c'est comme ça que s'est montée l'expo Martine Barrat, l'archiviste du South Bronx pendant les années Hip Hop à La Place Centre Culturel Hip-Hop. Martine Barrat a dû faire le choix parmi plus de 200 photos car souvent la photographe préférait donner aux enfants les clichés pris, elle a dû donc travailler de façon surprenante... sur des photocopies.


« C’est les vacances en août dans le South Bronx, tout près de la station de métro Freeman » ©Martine Barrat


Black is beautiful 

Martine Barrat veut toujours garder le lien et créer du sens. Pour raconter l'envers du décor de ses pérégrinations photographiques au sein des gangs du South Bronx, elle garde précieusement ce qu'elle nomme des témoignages. Des documents filmés des enfants de l'époque expliquant le contexte d'un cliché : « un jour je tombe sur le poème d'une enfant intitulé "Black is beautiful". Après plusieurs jours de recherche dans les écoles et grâce au professeur, je rencontre la petite fille qui a écrit ce poème. Quel plaisir de l'entendre chanter ces mots plus de 20 ans après. »


La Communiante ©Martine Barrat

Des nouveaux événèments photo, deux films dans la tête, des expos mais aussi couvrir l'Hôtel de Ville de Paris de ses clichés, ce sont tous les nouveaux projets qui animent Martine Barrat. Elle me confie à ce sujet : « Je suis très heureuse du succès de la projection de Getting lite (documentaire réalisé avec les Roman Kings et les Ghetto Brothers), en présence d'élèves et de leur professeur Anne à la Place Centre culturel Hip Hop. Mais aussi de la projection organisée par mon amie de la Goutte d'Or, Mamadou, qui fait un travail associatif formidable ». Son plus grand rêve serait d'aller à la rencontre des enfants dans les classes de France. La mission que s'est fixée Martin Barrat est donc loin d'être finie.... pour notre plus grand bonheur.


Martine Barrat, l'archiviste du South Bronx pendant les années hip-hop

La Place Centre Culturel Hip-Hop
10, passage de la Canopée – 1er
Du 11 octobre 2018 au 24 novembre 2018
Du mardi au samedi de 14h à 20h
Entrée libre