Le visage du rap hexagonal s\'expose à la Maison de la Radio

undefined 3 septembre 2018 undefined 18h15

Manon Merrien-Joly

Dans le très paisible 16e arrondissement de la capitale, les plus gros noms des banlieues parisiennes, de la cité phocéenne et autres MC's belges se frayent un passage à la Maison de la Radio, qui accueille jusqu'au 5 novembre prochain l'expo Le Visage du Rap.

Organisée par Mouv' et Radio France, l’exposition met en lumière les clichés des rappeurs et activistes de la culture hip-hop en France des années 1980 à aujourd’hui, issus du livre éponyme réalisé (et financé grâce à Ulule en 10 jours seulement) par le photographe David Delaplace. Côté narration, le journaliste Olivier Cachin prend la plume pour raconter cette histoire aussi fascinante que semée d’embuches.


1980-1990 : des heures sombres à l’âge d’or

Des breakers du Trocadéro aux rassemblements improvisés de La Chapelle sous les platines de Dee Nasty et son Paname City Rapping, tous surmontent le mépris de la part des médias (Nova fait figure d’exception) et le racisme ordinaire pour aller poser sur des compil’ underground ou aller breaker, alors que les premières rappeuses françaises s’imposent grâce à leur textes engagés à l'image de Saliha ou B Love et sa vision afrocentrique et féministe.

Au cours de la décennie précédent le nouveau siècle, le rap sort enfin de sa niche pour aller tutoyer les charts et la culture mainstream : c’est aussi l’arrivée de Rapattitude qui dévoile les talents d’Assassin, Saï Saï et du Suprême NTM.

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La fièvre rap s’empare alors de Marseille, faisant de la ville un haut lieu du genre, ayant vu naître dans ses rangs IAM, la FF et Psy 4 de la Rime, pour ne citer qu’eux.

C’est en 1995 que le rap connaît son âge d’or (grâce à Skyrock notamment) et la pluie de disques platines qu’elle connaît. N’en déplaise, le hip-hop français poursuit sa course et démolit les mœurs avec comme munitions la Première Consultation du Doc et L’Ecole du Micro d’Argent dont les cours du trio IAM sont encore dispensés vingt ans après…

De Booba à Kéri James, les banlieues françaises s’imposent jusque dans les télévisieurs français quand les Princes de la Ville du 113 rafle deux statuettes aux Victoires de la Musique.


Le passage au XXIe siècle : rap conscient, autotune et ouverture des frontières

Emprunte de noirceur, la transition entre les deux siècles voit aussi émerger le rap conscient avec en tête de proue la rappeuse marseillaise Keny Arkana qui met ses mots au service du combat altermondialiste ou encore le très provoc’ Médine. 

Dans le même temps, le rap hexagonal atteint un certain climax en 2010, « la consécration » selon Cachin avec l’avénement du rap en tête des streams et des charts conjointement à la démocratisation de l’autotune (poke Maître Gims). Impossible de ne pas citer Nekfeu et ses innombrables bandes, Orelsan et son acidité aussi polémique que populaire.

Le Visage du Rap touche à sa fin, non sans s’arrêter un temps sur la déferlante PNL et son cocktail molotov concocté à partir d’ « une cadence hypnotique », de clips aussi esthétiques que galvanisants, le tout arrosé d’un mutisme médiatique qui propulsera le duo sur le devant de la scène, faisant deux écoles manichéennes qui se déchirent encore assez violemment.

Du rap français au rap francophone, l’expo s’achève sur la nouvelle génération de MCs belges qui se sont imposés aussi rapidement que brusquement, et on en redemande.

Mis à part les immenses tirages de Booba, Orelsan ou encore Nekfeu, on regrette que la centaine d’artistes représentés ne le soient pas en plus grand format, sans doute un choix pour pouvoir représenter l'intégralité des personnalités. Impossible de ne pas remarquer ce parallèle fait entre l’évolution musicale et le traitement médiatique du rap en 40 ans qui nous ramène à ses racines pour nous élever sur chaque racine (notamment géographique ou contextuelle), pour former un écosystème qui a encore de très, très beaux jours devant lui.


Le Visage du Rap

Du 28 août au 5 novembre
Accès libre par le Hall Seine de la Maison de la Radio
116, avenue du Président Kennedy – 16e