Quand art et science ne font qu’un : l’exposition digitale d’Agoria au Musée d’Orsay

undefined 23 février 2024 undefined 15h07

Flora Gendrault

« Le rôle d’un spectateur, c’est non pas d’être passif mais plutôt acteur de son exposition », défend le directeur de la rédaction de Beaux-Arts Magazine Fabrice Bousteau. Jeudi 22 février au soir, à l’occasion d’une conférence ouverte au public, ce critique d’art a pu échanger avec Agoria, Virginie Donzeaud, co-commissaire, Nicolas Desprat, maître de conférence à l’Université de Paris et Jean-Baptiste Boulé, directeur de recherche au CNRS. À cinq, ils sont revenus sur l’exposition éphémère du Musée d’Orsay {Le Code d’Orsay}, afin d’évoquer la genèse de ce projet et de simplifier sa compréhension. 

Et oui, pour s’approprier l'œuvre de l'artiste, le spectateur doit faire un effort. Déconstruire et réinventer sa propre vision de l’art. Accepter que le métavers, le Web3, et même de la levure puissent s’immiscer dans un musée du XIXe siècle, plus habitué à la création au pinceau qu’à l’aide de l’intelligence artificielle. Et pourtant, une fois le nez dedans, c’est déroutant, inspirant et absolument passionnant.


Détourner sans dénaturer les œuvres du musée d’Orsay

Le défi fut de taille pour Agoria, invité à créer des œuvres non pas de toute pièce, mais faisant écho à celles du musée. Pendant un an et demi, l’homme a mis sa casquette de DJ de côté et enfilé celle de l’artiste, sillonnant l’institution à toute heure, en journée et en nocturne, afin de s’imprégner des grandes figures qui y vivent encore à travers leurs peintures. « Seul au milieu de ces grands couloirs, on se sent tout petit, entouré d’esprits », se souvient-il. Ça aurait pu être Manet, Van Gogh, Caillebotte, Bouguereau, mais Agoria jettera finalement son dévolu sur Gustave Courbet, dont l’Atelier du Peintre attire tous les regards salle 7. Une première création complexe mêlant science et art de façon assez exceptionnelle. 

L'Atelier du peintre — Wikipédia© L'Atelier du peintre, Gustave Courbet


Saccharomyces cerevisiae
, vous dites ? 

Son intitulé fait peur, mais elle est à la portée de chacun. Interprétation par Saccharomyces cerevisiae de l’Atelier du Peintre de Gustave Courbet revoit dans le détail la célèbre toile exécutée en 1855 par le chef de file du courant réaliste. Agoria, accompagné des chercheurs Nicolas Desprat, Jean-Baptiste Boulé, Manuel Théry et Julien Mozzionacci, a tenté l’expérience suivante : celle de reproduire les événements historiques qui ont marqué la vie du peintre dans la culture d’une levure bien précise, la Saccharomyces cerevisiae.

Les données recueillies ont ensuite été injectées dans la reproduction digitale de la peinture : en 2 minutes de film, le spectateur voit le développement des organismes vivants dans l’image codée. « Une collaboration associant la sensibilité de l’artiste et l’objectivité des scientifiques », s'amuse la fine équipe. 


Obtenir sa propre œuvre d’art avec un souffle 

La seconde œuvre d’Agoria (l'exposition n'étant composée que de 2 pièces), Lumina, est plus simple mais tout aussi délirante. Elle se compose de trois éléments : une sculpture en acier doré au centre d’une pièce sombre, un flash lumineux qui l’illumine et, grâce à l’ombre projetée, un QR code sur le sol. Lorsque scanné, il dirige vers une application qui invite chacun·e à souffler. L’écho du souffle intervient sur 12 œuvres du Musée d’Orsay, déformées : chacun obtient son œuvre, unique. L’intérêt de ce concept, selon l’artiste : « Permettre au public d’interagir et de s’approprier l’art. » 

Expérimentale, cette exposition éphémère qui prend fin le 10 mars est aussi très courte à parcourir. On aurait peut-être aimé en voir plus, et à la fois, il ne suffit pas de voir pour comprendre. L'art génératif biologique, c’est-à-dire la création d’œuvres à l’aide d’algorithmes, d’intelligence artificielle et de données issues du vivant, n’est pas inné. Pourtant, malgré sa complexité, l’alliance de l’artiste et de la machine fait incontestablement déjà partie de l’histoire de l’art et de son futur.

On vous conseille vivement d’aller y faire un tour, pourquoi pas dès ce vendredi 23 février au soir, alors qu’Agoria diffuse en avant-première mondiale Getaway, son morceau musical en hommage au Musée d’Orsay, à l’occasion d’un DJ set

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{Le Code d’Orsay}
Musée d’Orsay
Esplanade Valéry-Giscard-d’Estaing – 7e
Jusqu’au 10 mars 2024
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Soirée DJ set d’Agoria
Le vendredi 23 février 2024
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