EXPO - Le photographe Willy Ronis vu par Willy Ronis

undefined 24 septembre 2018 undefined 19h15

Rachel Thomas

Pour célébrer ses 10 ans, le Pavillon Carré de Baudouin nous fait voyager au fil du temps dans l’oeuvre du photographe humaniste Willy Ronis. A travers 200 clichés commentés par l’artiste lui-même, on comprend son amour pour Belleville-Ménilmontant, on plonge dans son intimité et on découvre un homme engagé.


On le connaît pour ses photos cartes postales de Paris - comme les amoureux de Bastille ou pour le petit garçon à la baguette de pain - mais moins bien dans son intimité. C’est l’une des plus grandes figures de la photographie dite "humaniste", et il l'était profondément. Pour en témoigner : l'écrivain, photographe et commissaire de cette exposition Jean-Claude Gautrand, avec qui il entretenait une belle amitié depuis les années 50. « C’était un être délicieux, sensible, à la mémoire sans plastique, qui savait aussi bien parler que photographier. Il avait un engagement profond pour le social et un côté fraternel qui ne l’a jamais quitté. » nous confie-t-il.


Coup de foudre à Belleville - Ménilmontant

Jean-Claude Gautrand et Willy Ronis étaient aussi proche amicalement que physiquement, puisqu'ils ont habité tous deux le quartier Belleville-Ménilmontant où ils ne se lassaient jamais d'arpenter les rues. Pendant leur jeunesse, le quartier était pourtant craint. Il se souvient : « Ma mère me disait : "c’est plein de voyous et d’apaches", à cause de l'histoire de Casque d’Or. Personne n’osait s’y aventurer. Mais c’était aussi un quartier avec des artisans, des cordonniers, des imprimeurs… Il y avait une véritable solidarité dans les rues, car c’était un ancien village. Willy y était très sensible. »

C’est sur cette vision positive de l’est parisien que débute l’exposition. Des gamins de Belleville se cachent derrière les escaliers. Des voisins s’attablent avec du pinard dans l’arrière-cour. Willy Ronis témoigne d’un Paris disparu, empreint d’une douceur de vivre modeste et insouciante« J’ai vécu à Belleville des bonheurs personnels et des bonheurs photographiques, pour moi cela ne fait qu’un, c’est le bonheur tout court. », peut-on lire sur les murs de l'expo. On a envie de voyager dans le temps.


Flash-back sur sa propre existence

On découvre ensuite ses débuts en tant que photographe, ses premiers essais en photo, qu'il n'hésite pas - avec le recul - à auto-critiquer. La série d’autoportraits qui ornent les murs des escaliers nous font vivre le passage d’un jeune homme élégant, presque strict, à un monsieur très épanoui, et plein d’humour, prêt à dévoiler sa vie personnelle à travers, par exemple, le nu de son épouse Marie-Anne, prise sur le vif alors qu'elle faisait sa toilette lors d'un séjour en Provence.

« C'est une photo fétiche, parue depuis lors sans discontinuer ici et partout. Le miracle existe. Je l'ai rencontré. », commente-t-il. Des vidéos d'archives le suivent dans ses vadrouilles photographiques, viennent donner une image plus claire du personnage. « C'était un super conteur, cultivé et enrichissant. Ces images nous le prouvent », nous confie Jean-Claude Gautrand.


Un être sensible à la condition humaine

Après avoir lâché le petit studio photo de son père en 1936, Willy Ronis se lance dans la photographie indépendante. Plusieurs publications dans des journaux de gauche le confortent dans sa décision. Avec l’arrivée du Front populaire, il s’attaque aux défilés syndicaux, aux meetings géants du Vélodrome d’Hiver et le défilé du 14 juillet, où il immortalise la petite fille au bonnet phrygien, future icône. 

Il profite de ses reportages destinés à la presse, pour montrer sa solidarité avec les luttes ouvrières, les artisans ou les agriculteurs. C'est d'ailleurs une de ces photos qui a particulièrement touché J-C Gautrand. « J’ai un "petit faible" pour une photo d’un mineur silicosé, 47 ans, mort peu de temps après. Il a lui même été beaucoup touché, étant fervant défenseur de la classe ouvrière. ». 


À l'affût de moments parisiens

Les amoureux, les passants affairés, les quais de Seine, les bords de Marne, les Halles ou le Quartier Latin... Willy Ronis a shooté Paris de fond en comble. « Je n'ai jamais poursuivi l'insolite, le jamais vu, l'extraordinaire, mais bien ce qu'il y a de plus typique dans notre vie de tous les jours. », commente le photographe. C'est finalement ce qu'il aimait le plus : la beauté de l'être humain dans sa simplicité.

Willy Ronis par Willy Ronis
Prolongé jusqu'au 2 janvier 2019
Pavillon Carré de Baudouin
121 rue de Ménilmontant - 20e
Mardi - samedi : 11h - 18h
Visites guidées les samedis à 11h