Expo : 60 ans de la Nouvelle Vague dans l\'œil de Raymond Cauchetier

undefined 10 juillet 2018 undefined 15h33

Rachel Thomas

Pour les 60 ans de la Nouvelle Vague, mouvement cinématographie représentant la liberté et la spontanéité, la Galerie Joseph présente la première rétrospective de ceux qui en ont réalisé les cliché les plus cultes. À 98 ans, Raymond Cauchetier fait partie de ces artistes brillants qui sont restés dans l’ombre pendant de nombreuses années. Sa femme et lui nous accueillent tout pimpants dans l'appartement du 12e arrondissement où il est né presque un siècle auparavant. Déco seventies, gros ordinateur, et surtout des centaines de magazines et bouquins d'art qui ornent les murs. 


À bout de souffle, Jules et Jim, les Quatre Cents Coups…
 Raymond Cauchetier les a tous vus passer. Il a aussi immortalisé les coulisses de ces chefs-d’œuvre. Les acteurs au naturel, alors qu’ils s’apprêtent à interpréter le rôle qui deviendra, plus tard, celui d'une vie.

Jacques Rozier 1960- « Adieu Philippines » de Jacques Rozier © Raymond Cauchetier 

Pourtant, à 98 ans, son nom reste encore tapis dans l'ombre de celui des réalisateurs. Il a d'ailleurs fallu attendre 2008 pour qu'il résonne pour la première fois dans une galerie française. Aujourd'hui, une centaine des clichés de ce pionnier de la photographie Nouvelle Vague, pour la plupart inédits, sont exposés à la Galerie Joseph aux côtés de ceux de Georges Pierre (1927-2003). Un témoignage rare de l'esprit créatif et révolutionnaire de cette époque, qui révèle le statut d'artiste des photographes de cinéma, dans leur liberté à capturer le réel, la spontanéité et l'authenticité d'un film. 

Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg 1959 « A bout de souffle » de Jean- Luc Godard © Raymond Cauchetier

Lorsque sa femme sort timidement d'une étagère un ouvrage de ses photographies, on lui demande de nous parler de son œuvre la plus célèbre. Vous la connaissez : celle avec Belmondo et Jean Serberg traversant les Champs-Élysées (ci-dessus). Il nous avoue non sans fierté, que ce n’est pas une scène du film, mais bien une mise en scène qu’il a créé de toute pièce. Il nous montre aussi Anna Karina, belle comme un cœur, sur le lit avec Belmondo qui lui fait une moustache : « Anna était toute timide, tandis que lui, c’était un vrai clown », se souvient-il. 


« J’appartenais à une équipe qui a inventé la Nouvelle Vague sans le savoir »

À l’époque, impossible de savoir que ce nouveau courant… allait devenir un véritable mouvement. Dans son canapé en cuir, habillé tout en noir, très chic et très modeste, il nous raconte. « J’appartenais à une équipe qui a inventé la Nouvelle Vague sans le savoir. C’était tous des gens qui étaient extérieurs au cinéma, loin des règles sacro-saintes qu’on respectait depuis longtemps. Ça coûtait pas cher de tenir la caméra à la main, de mettre les dialogues dans un carnet à spirale qu’on donnait au dernier moment aux interprètes… », nous confie-t-il, le sourire aux lèvres.

Jean Seberg 1960 - « A bout de souffle » de JL.Godard © Raymond Cauchetier

D’ailleurs, les acteurs et les réalisateurs eux-mêmes n’étaient pas convaincus de leur travail. « Godard était dans l’incertitude la plus totale, il disait "ça va pas marcher, il sera jamais tiré", il était pessimiste. Les acteurs étaient complètement paumés et se disaient "mais où est-ce que je suis tombé, c’est pas possible… ça marchera jamais" ». Une perspective nouvelle sur le cinéma, qui a heureusement rencontré son public. Le succès était donc au rendez-vous, mais d'avantage pour les enfants voire petits-enfants de la Nouvelle Vague. 

 

Jeanne Moreau, Henri Serre et Oscar Werner 1961 Planche contact « Jules et Jim » de François Truffaut © Raymond Cauchetier

Raymond estime – avec sa modestie habituelle – que « tout est une question de regards ». « Un regard nouveau sur une chose ancienne, ça suffit pour bouleverser. Comme c’était assez anarchiste révolutionnaire, beaucoup de personnes sont allées voir par curiosité A bout de souffle qui allait contre toutes les règles du cinéma de papa. Et les critiques y sont allées pour voir ce qui se passait. »


Dans l'ombre du succès


Cauchetier aussi a vécu le succès en France, bien plus tard, mais toujours dans la discrétion. En 1985, il a pu faire reconnaître son nom et son talent grâce à une nouvelle loi relative aux droits d'auteur. En 2007, un premier ouvrage mettant à l'honneur ses photographies paraît sous la direction de Marc Vernet – Photos de cinéma - Autour de la Nouvelle Vague, 1958-1968 – et il faudra attendre 2008 pour qu'il expose pour la première fois en France avant de s'ouvrir à l'international. 

François Truffaut et Claude Beausoleil 1962, rue Nollet à Paris – « Antoine et Colette » de F. Truffaut © Raymond Cauchetier

Une question persiste : quel est donc son secret de longévité ? « Probablement les cinq étages que je monte chaque jour depuis tant d’années… », sourit Raymond, « et je cuisine pour lui tous les jours des recettes japonaises ! », ajoute avec fierté sa femme, d'origine japonaise. Vendu !


5 juillet - 5 septembre 2018
Galerie Joseph 
16 rue des Minimes - 3e

Ouvert tous les jours de 10h à 20h
Exposition organisée par Vandartists
Commissaire d’exposition : Valérie Desbons-Hugot