[PORTRAIT] Lison de Caunes, une créatrice qui fait des merveilles avec de la paille

undefined 16 février 2024 undefined 17h10

Auriane Camus

Quand on parle d’artisanat, on pense souvent en premier à des métiers comme celui de bijoutier·e, céramiste, couturier·e, boulanger·e et j’en passe… Mais les métiers de l’artisanat regorgent de surprises et cachent parfois des savoir-faire dont on n’aurait même pas soupçonné l’existence, à l’image de la marqueterie de paille. Une profession que Lison de Caunes exerce dans son atelier parisien depuis près de 50 ans.


Un savoir-faire familial

« Le principe de la marqueterie, c’est de coller bord à bord », nous explique la septuagénaire. D’abord, on part d’une paille simple, déjà teintée à la couleur de notre choix, puis on l’ouvre en deux, on l’écrase et on la repasse de nombreuses fois pour obtenir une sorte de ruban très lisse qu’on va pouvoir coller. Toute la beauté des œuvres créées réside ensuite dans « la façon dont la lumière joue avec la paille », explique Lison, et dans l’orientation des pailles, qui va créer différents motifs et différentes formes.

Technique d'Extrême-Orient importée en Europe au XVIIe siècle, la marqueterie de paille fut très à la mode en France pendant la période Art déco, dans les années 20 et 30 : « il y a deux grands décorateurs qui ont travaillé la marqueterie de paille, Jean-Michel Frank et mon grand-père, André Groult ». C’est aux côtés de ce dernier que Lison a tout appris. Passionnée depuis l’âge de treize ans, elle a grandi entourée de cet art : « je suis tombée amoureuse de ce savoir-faire, surtout avec les objets de mon grand-père. Chez moi on a toujours servi le café sur un plateau en marqueterie de paille », sourit-elle. Sur le mur, face à elle, il veille d’ailleurs sur sa petite-fille : une photographie du décorateur en noir et blanc est accrochée au mur.


Le renouveau de la marqueterie de paille

Après le décès de son grand-père, Lison a commencé à restaurer ses œuvres, en démontant puis remontant, pour tout comprendre de ce savoir-faire précieux. Lorsqu’elle se lance véritablement dans les années 80, la marqueterie est tombée en désuétude, mais c’était sans compter sur le talent de la grande dame qui lui permettra de connaître une nouvelle jeunesse.

Considérée au départ comme le “parent pauvre” de la marqueterie de bois, la paille est aujourd'hui devenue un matériau luxueux, recherché par les plus grandes maisons du luxe : « on travaille pour Cartier, on travaille pour Vuitton », affirme Lison. Si bien que désormais, la sœur d'Antoine de Caunes gère une entreprise d’une quinzaine de personnes, reconnue dans le monde entier pour son savoir-faire unique.

« On s’est vraiment spécialisés dans la décoration, donc on fait beaucoup de collaborations avec d'autres artisan·es de façon à toujours innover », explique-t-elle en nous montrant ses œuvres. Incrustations de nacre, paille gaufrée, broderies, plumes, peinture… Loin de se reposer sur ses lauriers, la créatrice cherche l’inspiration partout, mais surtout dans les croquis de son grand-père.

Nommée Maître d’art en 1998, décorée de la Légion d’honneur en 2010, Lison de Caunes brille par son succès et continue de former les artisans les plus doués de la profession. Si elle n’est aujourd’hui plus la seule à créer autour de cet art, nombreux sont celles et ceux qui sont passés par ses ateliers avant de se lancer. Une transmission qui lui tient particulièrement à cœur : « la première chose qu’on apprend quand on vient dans un atelier de marqueterie, c’est la patience. Un meuble ou même 20 m2 de paille, c’est très très long. Ce sont plusieurs mois de travail, et c’est ça qui rend la paille luxueuse. »

50 ans après ses débuts, Lison semble en tout cas toujours aussi passionnée par ce qu’elle fait : « Je trouve que l’artisanat est un très beau métier, c’est un métier de passion. C’est formidable d’avoir envie de se lever tous les matins pour aller à l’atelier », affirme-t-elle. Un enthousiasme contagieux qui nous a fait repartir d’ici des étoiles plein les yeux.


Ateliers Lison de Caunes

20, rue Mayet – 6e
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