Qu’aucune institution culturelle française n’ait dédié ses espaces à une rétrospective spécial Rick Owens jusqu’en 2025 semble insensé. Trop transgressif, pas assez délicat, le créateur a longtemps dû se satisfaire de ses 17 boutiques éclatées dans l’Hexagone pour voir circuler ses œuvres, sans avoir l’occasion d’étaler à ses admirateur·rices le fruit de leur existence.
Aujourd’hui, le vent a tourné. Le Palais Galliera est prêt pour Rick Owens. Preuve en est, le Musée de la Mode lui offre la direction artistique de sa nouvelle grande exposition jusqu’au début de l’année 2026. L’artiste, qui présente silhouettes, archives personnelles et installations inédites, raconte sans langue de bois (mais avec un soupçon de narcissisme, forcément) le chemin intime et artistique l'ayant porté de ses balbutiements à son statut de légende vivante de la mode contemporaine.
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Un technicien de l’ombre devenu star de la Fashion Week
Deux salles, 100 modèles, une soixantaine d’années à parcourir : le défi est osé, mais taillé pour le Palais Galliera, qui conjugue talent plastique et trajectoire intime avec brio. Celle de Rick Owens débute à Los Angeles en 1961, où il grandit, se retrouve patronnier, puis à la tête de sa marque, avant de partir pour Paris au début des années 2000, exportant ses défilés dans la capitale de la mode. 30 ans durant lesquels le créateur se cherche, goûte aux plaisirs et (surtout) aux excès de la vie, construit sa propre griffe, et s’établit déjà comme un autodidacte à la marge.
Sacs militaires, couvertures de l’armée, cuir lavé : à l’époque, si un vêtement associe matières détournées et absence de couleur (blanc, noir, marron, beige ou gris "dust" tout au plus), on suppose Rick Owens aux manœuvres. La première salle de l’exposition insiste avec pertinence sur le rôle décisif de sa rencontre avec la Française Michèle Lamy dans l’approfondissement de sa carrière, la boutique puis le café de l’artiste lui ayant successivement servi de rampe de lancement. C’est ensemble, en icônes underground désormais mariées, qu’ils s’envolent vers la France.

© Flora Gendrault
Les tâtonnements d’un créateur en dialogue avec son époque
Baignée par la lumière des vitres du musée, par lesquelles on aperçoit d’ailleurs les gigantesques structures ornant sa façade, la deuxième salle explore les états d’âme postérieurs à l’installation parisienne de Rick Owens. En effet, sur place, ce n’est plus tant sur ses références culturelles (tantôt le sacré, le punk, la science-fiction et le cinéma hollywoodien) mais plutôt ses réflexions politiques que se focalise son œuvre.
Se dessine alors un créateur mature qui marie sans détour son esprit transgressif - exploré dans une salle confidentielle réservée aux adultes - aux préoccupations majeures de notre époque. Teintures vibrantes, maîtrise des couleurs, ampleur plastique : ses collections se muent peu à peu en manifeste pour l’amour, de soi, des autres, d'une planète meurtrie par le changement climatique. « Montrer de beaux vêtements ne me suffit plus », peut-on lire sur l’une des pancartes. Derrière le cuir, les ombres et les corps sculptés, Rick Owens dessine un monde possible, plus libre, hybride, conscient. Une vision de la mode comme miroir des bouleversements – et peut-être, de leur réparation.

© Flora Gendrault
Rick Owens, Temple of Love
Palais Galliera
10, avenue Pierre 1er de Serbie – 16e
Du 28 juin 2025 au 4 janvier 2026
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