So Long, My Son, un chef-d'œuvre humaniste en forme de fresque sociale

undefined 16 juillet 2019 undefined 19h25

Louis Haeffner

Il y a quelque chose de très naturaliste dans le cinéma chinois contemporain. Comme s'il fallait à tout prix rendre compte de la façon la plus réaliste et précise d'un certain état du monde, avant qu'on commence peu à peu à ne plus se le représenter, et avant qu'il se perde définitivement dans les limbes de l'oubli. 


Le monde dont il est question ici, c'est celui de la Chine des années 80 à nos jours, un cadre spatio-temporel marqué par la politique de l'enfant unique (1979 à 2015). Dans cet environnement soumis à un régime communiste et un brin tyrannique, un couple de travailleurs, Liyun et Yaojun, mènent une vie plutôt heureuse, entourés de leurs amis et de leur fils Xing. Mais un jour, alors que celui-ci traine comme toujours avec Hao, le fils de leurs meilleurs amis né le même jour que lui, un drame survient : il se noie. Liyun et Yaojun sont désormais seuls au monde, avec leur chagrin. 

So Long, My Son film critique

Voilà le point de départ d'une bouleversante fresque historique et sociale, qui va s'étendre sur un peu plus d'une trentaine d'années. La caméra de Wang Xiaoshuai se pose là en spectateur patient, discret voire invisible, du drame au long court qui se joue devant son objectif ; jamais la présence du spectateur ne constitue un élément notable de la mise en scène, et la parfaite prise de distance qu'impose cette posture s'avère être le meilleur et le plus puissant des vecteurs d'émotion. Et de l'émotion, croyez-le, il y en a... Simplement, elle est à l'image des personnages qui peuplent le métrage : forte, humble, résiliente. 

So Long, My Son film critique

Quel dépouillement dans la mise en scène ! quelle authenticité, quelle pureté dans ces images qui défilent, lentement, calmement, sereinement a-t-on envie de dire, avec, presque, une forme de solennité ! Chaque plan devient alors l'expression du drame intérieur qui anime chacun des personnages. C'est la vie même, avec toute la dimension fataliste qu'elle peut comporter, l'acceptation de son destin, ou le combat contre des forces qui nous dépassent, qui est ici filmée, montrée, écoutée, en un mot, transmise. Dure et parfois cruelle, cette vie on ne la connaît pas, on ne l'imaginait même pas, mais elle nous est, le temps des trois heures du métrage – et quelques temps encore après –, accessible. 

So Long, My Son film critique

Xiaoshuai pose aussi un regard retrospectif et objectif sur toute une génération de Chinois, sur les rouages d'un système qui a choisi de privilégier, pendant plus de 30 ans, le bon fonctionnement et la prospérité de sa société plutôt que le bonheur personnel de ceux qui la composent. La petite et la grande histoire s'entremêlent alors subtilement, élégamment, offrant à nos yeux et à nos cœurs un spectacle d'une infinie sensibilité

So Long, My Son film critique


Il faut aller voir ce film, pour apprendre à connaître ce pays lointain et l'excellence du cinéma qu'il propose, mais surtout pour s'émouvoir, s'ébahir, pour pleurer, pour rire, pour en apprendre un peu plus sur les Hommes, et surtout pour, au final, en apprendre un peu plus sur soi-même. Oui, So Long, My Son est un grand film, de ceux qui nous redonnent espoir, sans trop qu'on sache pourquoi au juste, en l'humanité.