Si Beale Street pouvait parler, film d\'amour et portraits multiples

undefined 30 janvier 2019 undefined 18h10

Louis Haeffner

Après le magnifique Moonlight qui lui avait valu l'Oscar du meilleur film en 2017, Barry Jenkins revient avec un drame aussi éclatant visuellement que son propos est tragique. 


Notre scène se passe dans les années 70, dans un parc de Harlem. Deux amoureux déambulent, main dans la main. Ils sont beaux, ils sont noirs, ils ont vingt ans et s'apprêtent à se jeter ensemble, à corps perdus, dans la grande aventure de la vie. Mais leur bonheur innocent sera bientôt troublé par l'arrestation de Fonny, accusé d'un viol qu'il n'a pas commis. Pleine de cette espérance courageuse qu'on attribue volontiers à la jeunesse, Tish et sa famille vont tout faire pour le faire libérer. 

Si Beale Street pouvait parler film critique

C'est donc, vous l'aurez compris, un drame qui se joue sous nos yeux ébahis. Oui, ébahis, car même s'il n'est jamais commode ni agréable de regarder un destin se faire briser par la machine judiciaire américaine, le contempler via la caméra de Barry Jenkins peut vite toucher au sublime. En s'attardant constamment sur les visages de ses personnages, en les isolant parfois presque de la scène et donc du récit au moyen de gros plans et de ralentis toujours à propos, il propose au spectateur une expérience cinématographique rare. Observer l'effet des émotions sur les corps des comédiens, éprouver soi-même ces émotions, se plonger dans la vie des personnages avec un réalisme et une intensité inédits, voilà la proposition esthétique, déjà bien ébauchée dans Moonlight, de Barry Jenkins.

Si Beale Street pouvait parler film critique

En résulte un film à la trame originale, puisque plutôt que de développer le récit de façon chronologique et linéaire, celui-ci nous présente tour à tour l'évolution de chacun des personnages au sein de ce même cadre narratif. L'histoire est toujours la même, mais le point de vue varie, ce qui permet d'envisager les choses avec un maximum de recul et de pertinence. Et assez naturellement, ce qui ressort, ce sont les sentiments qui étreignent les personnages, ces émotions multiples qui sont mises en valeur avec une pureté incroyable par le procédé stylistique, étendu, du portrait. Chez Barry Jenkins, l'amour a plusieurs visages, selon qu'il soit filial, charnel ou platonique, ou que ce soit de la haine, mais l'amour, c'est une certitude, domine le monde.

Si Beale Street pouvait parler film critique


En développant au maximum les pistes de mise en scène aperçues dans Moonlight, Barry Jenkins signe avec Si Beale Street pouvait parler à la fois un grand film d'amour et son manifeste esthétique, le tout en se penchant avec beaucoup d'acuité sur la condition des Noirs aux États-Unis. Strike.