Je n'avais jamais vu de Dolan auparavant. Oui je sais, c'est l'équivalent d'un crime contre l'humanité pour quiconque se veut "critique ciné". Allez-y, traînez-moi en place publique et jetez-moi des cailloux, c'est tout ce que je mérite de toute façon. Mais posez-vous quand même cette question : ne suis-je pas le mieux placé, mon esprit n'étant pas encombré de la connaissance de ses précédents films, pour donner un avis objectif sur ce dernier opus ?
Quoi qu'il en soit, je dois dire en tout premier lieu que j'ai été un petit peu déçu. Probablement parce que ça fait des années que la presse spécialisée, mes collègues, mes amis et plus ou moins la Terre entière me hurlent de voir les films du prodige canadien, et que du coup, m'étant enfin décidé à en visionner un, je m'attendais à être le témoin privilégié de la matérialisation cinématographique du génie. J'exagère à peine. Comme vous l'aurez compris, il n'en fut rien, mais j'ai tout de même passé un bon moment de cinéma.
L'histoire qui nous est contée est la suivante : durant cinq années de son enfance, le jeune acteur Rupert Turner a entretenu avec la star du petit écran John F. Donovan une relation épistolaire, jusqu'à la mort mystérieuse de ce dernier. Pour une journaliste du Time, il évoque le contenu de ces lettres et donc la vie intime de la star, mais aussi l'impact que cette correspondance a eu sur sa propre vie d'enfant. On assiste donc à la mise en parallèle de deux tranches de vie, celle du petit Rupert qui vient d'emménager en Angleterre pour suivre sa mère, comédienne à la carrière sur le déclin, et celle de John F. Donovan dont la carrière est en pleine explosion.
Cette bonne idée scénaristique – même si elle n'a rien de révolutionnaire – va permettre à Xavier Dolan d'aborder des thèmes qui, on le sent même sans avoir vu ses précédents films, sont centraux dans son cinéma et, de manière plus générale, ce qu'il a à raconter. Il est en effet question, pour chacun des deux personnages, des difficultés à faire accepter ses différences par l'autre, du rapport à la mère, de sexualité, de gestion de la célébrité... Il y a beaucoup d'émotion, pour ne pas dire de pathos, dans ce métrage, que je qualifierais d'ailleurs sans détour de mélodrame. Si j'en crois ce que j'ai lu et entendu, et donc maintenant vu, Xavier Dolan fait donc bien ici du Xavier Dolan, du moins pour ce qui est du fond.
Pour ce qui est de la forme, il fait montre d'une grande maîtrise technique, que ce soit au niveau de la mise en scène ou de la photographie, mais dans une veine très américaine, beaucoup plus romanesque que dans ses précédents films, qui semblaient plus tenir du cinéma d'auteur, avec une caméra très proche des comédiens, beaucoup de silences et de gros plans, beaucoup de ressenti. Ma vie avec John F. Donovan montre les choses plus qu'il les fait ressentir, et ça, c'est peut-être la grande nouveauté dans la manière de Dolan.
Avec Ma vie avec John F. Donovan, Xavier Dolan semble donc vouloir populariser, en quelque sorte, son cinéma, et y parvient parfaitement. Mais ne le fait-il pas au détriment de la qualité intrinsèque de ses films ? À vous d'en décider, en allant voir le film, et à moi de le confirmer, en visionnant ses précédents.