Le Retour du Héros : Dujardin revient parmi les siens

undefined 19 février 2018 undefined 10h15

Louis Haeffner

Ça faisait un petit moment qu'on n'avait pas vu Jean Dujardin au cinéma, et je ne sais pas vous, mais moi il commençait sérieusement à me manquer. Le dernier truc valable dans lequel je l'avais vu, c'était La French, et c'était pas vraiment une comédie. J'avais donc pas mal hâte de le découvrir dans ce costume de héros napoléonien, ce qui d'instinct me semblait prometteur. 


C'est donc un cavalier à la posture altière et à la moustache parfaitement lissée qui quitte sa jeune promise pour rejoindre la Grande Armée, sur la promesse de lui écrire tous les jours. Après plusieurs mois et ne voyant aucune lettre arriver, au grand desespoir de sa sœur, Elisabeth (Mélanie Laurent, impeccable) prend la plume, ressuscitant ainsi le capitaine Neuville, avant pourtant de le tuer, dans une dernière lettre pleine d'une urgente dramaturgie. La jeune femme se marie, a même des enfants. Un beau jour, alors qu'elle fait ses courses en ville, Elisabeth croise notre héros, hirsute, barbu et puant, de retour de désertion. Pour cacher sa supercherie, elle conclut avec lui un marché. Le capitaine Neuville est de retour. 

Le retour du héros critique

On imagine dès lors assez aisément les différentes situations cocasses et autres farces dont le duo Dujardin-Laurent se plaît à nous distraire. Il faut que le Neuville lâche et un peu abruti qui a fui la guerre corresponde au héros distingué et intrépide des lettres d'Elisabeth. Et il faut reconnaître qu'à ce petit jeu-là, les deux comédiens sont très bons et s'amusent visiblement beaucoup, lui sortant des âneries plus grosses que lui à la volée, elle observant cela de son regard narquois, le laissant tour à tour s'enfoncer ou volant à son secours grâce à une invention cassante de son cru. On est dans le vaudeville en costume, la caricature, le grand-guignolesque, un genre dans lequel Jean Dujardin a toujours excellé et où il ne souffre, en France, aucun concurrent. 

Le retour du héros critique

Mais au bonheur de rire aux éclats pour des gags et des répliques parfois un peu téléphonés s'ajoute vite un deuxième niveau de lecture, plus fin, mais tout aussi prenant. Ainsi, en faisant de son héros le héros de fiction d'Elisabeth, Laurent Tirard livre une analyse subtile et très pertinente du métier qui est finalement le sien : conteur d'histoires. On comprend, à travers le personnage brillamment incarné par Mélanie Laurent, toute la difficulté, la fierté, la frustration, l'exaltation qui s'attachent à la création d'un personnage et l'affection que son créateur peut éprouver à son égard. En filigrane, cette histoire ne nous parle pas simplement de héros, d'amour et de mensonges, mais bien de la relation passionnée qu'entretiennent les auteurs avec leur œuvre

Le retour du héros critique


Servi par un duo de comédiens s'en donnant à cœur joie et qu'on a dès lors très vite envie de revoir, Le retour du héros réconcilie la comédie française classique avec son public. C'est un véritable bonheur de voir ces personnages hauts en couleur s'escrimer avec un destin qui ne leur appartient plus, et de sentir le regard à la fois malin et attendri du réalisateur se poser sur eux ; un retour gagnant, donc.