La Forme de l\'eau, merveilleux conte pour adultes

undefined 26 février 2018 undefined 17h36

Louis Haeffner

C'est par une semaine sombre et pluvieuse que le film de Guillermo del Toro, très prometteur avec tout de même treize nominations aux Oscars, sortait. Passant précautionneusement entre les gouttes, je me ruais au cinéma le plus proche du bureau (le Louxor) pour me délecter de ce chef-d'œuvre annoncé. Frottement de mains et grande excitation. 


Disons-le tout de suite et sans détour : La Forme de l'eau est un film d'amour. L'appellation a beau être bizarre - aujourd'hui on parle plutôt de "comédie romantique", voire carrément de "romance" selon la classification en règle -, elle correspond parfaitement à ce que le film propose ; non seulement l'arc narratif principal tend à unir deux personnages par des liens charnels, mais le film entier ne nous parle que des relations entre les uns et les autres. C'est, pour être exact, un grand film SUR l'amour dans sa dimension universelle : l'amour des autres évidemment, mais aussi l'amour de soi, l'amour de son pays, l'amour du pouvoir... 

La Forme de l'eau critique du film

Elisa est une trentenaire à la routine bien réglée. Elle commence sa journée avec un bain, agrémenté d'une petite séance d'onanisme. Elle fait ensuite cuire des œufs, qui constitueront une partie du repas qu'elle partagera avec son amie Zelda, dans le laboratoire gouvernemental secret où elles travaillent toutes les deux à l'entretien des locaux. Elle se rend ensuite chez son voisin, un peintre sans emploi un peu misanthrope secrètement amoureux du jeune serveur du bar du coin, à qui il commande toujours la même horrible tarte au citron. Mais bientôt, une créature aquatique humanoïde va faire irruption dans sa vie, et la changer à tout jamais.

La Forme de l'eau critique du film

En apportant un soin méticuleux à développer chacun des personnages de son histoire, quelle que soit son importance dans le récit, le réalisateur mexicain réduit toujours un peu plus la distance qui sépare le spectateur des protagonistes, et l'immerge ainsi irrémédiablement dans l'univers du film. Dès lors, chaque scène a une résonnance particulière, chaque personnage semble se mouvoir indépendemment des autres, a sa propre histoire. C'est un humanisme universel que Guillermo del Toro met ici à l'épreuve, et il y réussit si bien qu'on se surprend même à avoir de la compassion pour l'horrible Strickland (Michael Shannon, génial une fois encore), une homme dont la misogynie et la fourberie devraient pourtant nous révolter. On parcourt donc le métrage en allant d'un univers à l'autre, tandis que le suspense grandit à mesure que l'intrigue principale se développe. La scène finale culmine en une beauté visuelle et une poésie telles qu'elle résume à elle-seule tout ce que je me suis efforcé de décrire jusque-là. Une merveille absolue.

La Forme de l'eau critique du film


Guillermo del Toro nous raconte, une fois de plus, une histoire fantastique, mais toujours avec cette capacité si plaisante de nous rendre, le temps du métrage, notre regard d'enfant, si bien qu'on a la sensation non pas d'être confortablement avachi dans un fauteuil de velours rouge, mais bien d'être assis en tailleur, le menton tendu vers la maîtresse qui tourne les pages d'un grand livre illustré, la bouche ouverte et les yeux écarquillés.