L\'Homme qui tua Don Quichotte, un pur délire épique et onirique

undefined 22 mai 2018 undefined 14h24

Louis Haeffner

« Et maintenant, après 25 années de galères plus ou moins constructives... » – ou un truc dans ce goût-là – nous rappelle Terry Gilliam en avant-propos du film qui, quelle qu'en soit son appréciation par la critique et le public, a d'ores et déjà le statut de film culte. 25 piges pour accomplir son rêve, un rêve épique et fantastique. Frottement de mains. 


Quel bonheur de voir enfin ce film voir le jour ! Je ne connais pas Terry Gilliam personnellement, mais c'est drôle, ça me fait comme un pincement au cœur de retrouver les décors désolés et arides de Lost in La Mancha, le film documentaire de Keith Fulton et Louis Pepe qui retraçait justement les galères que rencontrait le réalisateur britannique dès le début du tournage de ce qu'on a très vite appelé un "film maudit". J'ai envie de le prendre dans mes bras Terry, de l'embrasser, de prendre sa tête entre mes mains et de coller mon front contre le sien, de lui dire tout bas : « T'y es arrivé putain, je suis tellement fier de toi ! ». Car la persévérance du vieux Gilliam n'aura pas été vaine, loin s'en faut. L'Homme qui tua Don Quichotte est un miracle doublé d'une merveille, un mervacle, donc. 

L'Homme qui tua Don Quichotte film critique

Jonathan Pryce a donc remplacé le regretté Jean Rochefort, et Adam Driver le non moins regretté Johnny Depp, même s'il n'est pas mort. On retrouve ce dernier dans la peau de Toby, un réalisateur désabusé et cynique qui bosse dans la pub et brasse des millions, le tout en costume de lin et chemise bleu pastel, Panama vissé sur la tête. Ça commence donc tambour battant avec un petit film dans le film, histoire de tout de suite brouiller les pistes entre les différentes dimensions du récit, puisque la pub sur laquelle bosse Toby figure la fameuse scène de Don Quichotte attaquant l'aile d'un moulin. Sacré Terry ! 

L'Homme qui tua Don Quichotte film critique

Notre jeune et charismatique héros quitte soudainement le tournage pour se rendre à moto dans le proche village de Los Sueños ("les rêves" en espagnol), où il avait réalisé son premier film appelé, El hombre que mató a Don Quijote ("L'homme qui tua Don Quichotte", donc), alors qu'il finissait ses études. Là, il retrouve Javier, le vieux cordonnier à qui il avait confié le rôle de Don Quichotte, resté bloqué dans son personnage. Croyant reconnaître en Toby son fidèle écuyer Sancho Panza, celui-ci part à l'aventure sur Rossinante, alors que du côté de Toby, tout part en vrilles. À la suite d'une série de catastrophes, ce dernier va devoir se joindre à son ancien héros. 

L'Homme qui tua Don Quichotte film critique

Aventure, amour, satire à peine voilée du milieu de la pub et de celui du cinéma, référence à son propre style et hommages à la pelle, Terry Gilliam a tout mis dans son film. On se perd allègrement et avec beaucoup de bonheur aux côtés du duo génial formé par deux acteurs qui s'éclatent (Jonathan Pryce, particulièrement, est éblouissant dans son armure cabossée) dans un tourbillon d'actions d'éclat, d'envolées lyriques, d'humour et d'absurde, transportés que nous sommes dans un monde qui ne fait plus – comme souvent chez Gilliam – la différence entre le rêve et la réalité. On pardonnera donc aisément les quelques imprécisions ou grossièretés dans la réalisation, qui plutôt que d'enlever du crédit au métrage, lui confèrent une couleur un peu naïve et pop du plus bel effet. 

L'Homme qui tua Don Quichotte film critique


On l'attendait depuis si longtemps que la déception semblait plus probable que l'émerveillement, pourtant L'Homme qui tua Don Quichotte est une totale réussite. Drôle, fantasque, éblouissant, d'une imagination folle et même un tantinet cynique, c'est un petit bijou de liberté cinématographique que Terry Gilliam nous propose. Un pur délire.