Jusqu\'à la garde, chronique d\'une violence ordinaire

undefined 8 février 2018 undefined 09h48

Louis Haeffner

Génial, mes parents divorcent ! Vous vous rappelez de ce film de Patrick Braoudé sympathique et un peu culte ? Eh bien là, rien à voir. Le divorce, ici, est avant tout un drame, une situation difficile à vivre pour tout le monde qui peut mener loin, parfois trop loin, comme le montre très habilement Xavier Legrand.


La première scène du film nous situe dans le bureau de Maître Davigny, la juge chargée de statuer sur la garde de Julien, le benjamin du couple Besson. On comprend que la procédure de divorce a été engagée par Miriam (Léa Drucker, d'une sobriété et d'une justesse rares) à l'encontre de son mari, Antoine, à qui elle reproche des comportements obsessionnels et parfois violents, corroborés d'ailleurs par l'attitude et les déclarations de leurs enfants à son égard. C'est le point de départ d'une longue course vers le pétage de câble intégral du mari. 

jusqu'à la garde film critique

Brillamment interprété par Denis Ménochet, qui dégage une colère et une violence sourdes, contenues tout au long du film jusqu'à la perte de contrôle finale, Antoine est montré tour à tour comme une victime et un bourreau par la caméra intransigeante du réalisateur. Celui-ci fait monter petit à petit la tension grâce à une mise en scène minimaliste faite de plans d'une simplicité tranchante, qui montrent le quotidien des personnages tel qu'ils le vivent, sans musique, sans effets impressionnistes, mais avec force petits détails subtilement mis en valeur, comme le bip de la ceinture de sécurité dans la voiture emmenant Antoine et Julien en week-end, ou l'aspect désincarné d'un arrêt de bus situé prêt du nouvel appartement de Miriam, dans une ZUP.

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La peur et la folie culminent dans une scène finale digne de Shining, dont le dénouement est observé par une voisine à travers la porte entr'ouverte de l'appartement de Miriam. La caméra effectue un lent travelling arrière jusqu'à ce que la porte se referme, laissant apparaître d'énormes trous par lesquels le spectateur peut apercevoir ses héros pris en charge par la police. Ce dernier plan est superbe, et marque la signature d'un réalisateur qui maîtrise admirablement son sujet, à savoir la question des violences domestiques et du silence qui s'en entoure trop souvent. 

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Avec ce premier film très réussi, Xavier Legrand définit avec autorité son cinéma comme social et engagé. Servi par des comédiens concernés et très talentueux - Thomas Gioria, qui incarne Julien, est impressionnant pour son premier rôle -, Jusqu'à la garde nous interpelle avec beaucoup d'intelligence sur l'attention que nous portons à ce qu'il se passe juste à côté de nous, et pose cette question, essentielle : est-ce que ça n'arrive vraiment qu'aux autres ?