Alex Lutz s'est fait plaisir : il s'est composé un film pour lui tout seul, à la cool. Si la démarche peut paraître un peu égoïste dit comme ça, en résulte un film très réussi, d'un humanisme absolument bouleversant ; preuve que notre Catherine sans Liliane préférée a plus d'une corde à son arc.
L'histoire qui sert de canvas au métrage est somme toute assez simple. Un jeune journaliste prénommé Gauthier plonge dans l'intimité d'une ancienne gloire de la variété française, Guy Jamet, le filmant nuit et jour chez lui, en tournée, lors de ses rendez-vous professionnels etc. Ce que le chanteur populaire ne sait pas, à notre inverse, c'est que Gauthier, qui a perdu sa mère, éternelle fan de Jamet, un an plus tôt, est son fils illégitime.
Voilà, ce dernier postulat est à peu près la seule intrigue qui existe dans le film, du moins le seul élément narratif capable de produire une sorte d'attente chez le spectateur, le reste se résumant simplement à un documentaire intimiste filmé en caméra subjective par le documentariste, grand classique du journalisme people. Tout repose donc sur le personnage de Guy Jamet, sublimement interprété par Alex Lutz. Vieil artiste un peu dépassé, un peu gueulard et plutôt satisfait de lui-même dans la première partie du film, le personnage composé et incarné par Lutz acquiert pourtant assez vite une profondeur et un intérêt bien supérieur à celui de la simple caricature du chanteur de charme en fin de parcours.
Grâce à une justesse et une finesse de jeu impressionnantes, et au moyen d'un maquillage tout à fait remarquable, Alex Lutz devient littéralement Guy Jamet, l'acteur disparaissant bien vite derrière le chanteur, sous nos yeux attendris. On oublie avec une étonnante facilité qu'on est devant une fiction et non un documentaire, et le baroud d'honneur de cette idole d'une autre époque prend alors les allures du portrait authentique d'un homme sur le déclin, qui avance avec beaucoup de dignité et une certaine classe vers le crépuscule de sa vie. Guy Jamet est drôle, rebelle, cynique, un peu macho, parfois gênant, toujours extrêmement touchant, et son humanité se révèle alors à l'aune de sa normalité. On a envie d'être pote avec ce type !
Sans jamais tomber dans la caricature facile, Alex Lutz livre avec Guy un beau film humaniste où le comique le dispuste à l'émotion, et confirme, si l'on en doutait, l'existence chez lui d'un talent de premier ordre pour la composition de personnages et la réalisation. Un vieux qui monte !