Rarement la politique aura été si excitante, du moins au cinéma. Quelle démonstration ! J'avais envie d'applaudir à la fin, vraiment, et pas par ironie comme après une cascade de James Bond (même si ça ne se fait plus trop je crois). Bref, El Reino est d'ores et déjà à classer dans la catégorie des films qui feront 2019.
Manuel López-Vidal est bien. Il a des responsabilités importantes au sein de son parti et fait valoir son savoir-faire politique au sein de sa région. D'ailleurs, il va bientôt monter en grade, et occuper un poste d'envergure nationale ; en effet, son supérieur et complice a décidé de précipiter la mise à exécution de leur plan. Soit, Manuel est prêt. Mais une affaire de corruption va le rattraper, et mettre en péril le parti. Manuel est forcé de se retirer. Il n'a cependant pas dit son dernier mot...
La course est lancée. Bien décidé à sauver sa carrière, ou du moins à ne pas sombrer seul, Manuel traverse le film au pas de course, suivi de très près et aux trois quart arrière par une caméra très nerveuse, immergeant ainsi le spectateur dans la tension palpable qui irrigue la mise en scène. Quelques plans d'ensemble filmés comme de loin au travers du téléobjectif d'un paparazzi renforcent le sentiment de paranoïa qui va grandissant à mesure que le film avance, et une minimale sombre et métallique achève de conférer à l'ensemble une impression de "montée" comparable à un bon trip sous ecstasy dans une warehouse obscure.
Mais l'intérêt du cinéma de Sorogoyen ne réside pas uniquement dans la grande qualité de sa mise en scène, car son cinéma est avant tout politique. La sensation d'urgence culmine ainsi dans une scène finale d'une sobriété technique écrasante, faisant retomber la tension accumulée tout au long du récit. On porte dès lors une attention aiguë à ce qui se dit entre Manuel, venu fournir la preuve de la corruption de l'ensemble de la classe politique espagnole, et la journaliste vedette qui l'interroge : « À quoi pensiez-vous toutes ces années ? », finit-elle par lui demander.
En proposant une mise en scène hyper rythmée bien accompagnée par une bande originale aux accents techno, Rodrigo Sorogoyen mélange avec talent le message politique et le thriller sous amphétamines. En résulte un film fun et d'une grande originalité tout autant qu'une réflexion passionnante sur la corruption en politique. Pfiouuu, je suis claqué moi, c'est où le coin chill ?