« À la volonté du peuple […] c’est que l’espoir existe encore et c’est pour demain. » Il n’y avait certainement pas de paroles plus justes que celles de cette chanson mythique de la comédie musicale Les Misérables pour débuter cette 36e cérémonie des Molières ce lundi 28 avril 2025. Entonnés avec puissance devant le public des Folies Bergère, ces quelques mots ont donné le ton d’une soirée rythmée par l’émotion, l’union, la résistance, la liberté et d’adelphité. L’entrée fracassante de Caroline Vigneaux, maîtresse de cérémonie pour la deuxième année consécutive, n’en a été que la suite logique : habillée en Marianne, un sein dénudé, un symbole fort pour la France et la culture. « En ce moment la liberté se sent bien seule pour guider le peuple », déplore-t-elle.
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Une confrontation directe avec la ministre de la Culture
Si les paroles des Misérables ont donné le la, celles de Michel Berger ont résonné en toile de fond tout au long de la soirée. « Résiste. » D’entrée de jeu, la ministre de la Culture, Rachida Dati, très attendue durant cette soirée et installée en orchestre, a été prise pour cible. Et pour cause, les coupes budgétaires imposées au domaine de la culture depuis plusieurs mois affaiblissent tant le secteur que les artistes. Une situation qualifiée de « catastrophique » par Didier Brice, mobilisé pour la CGT Spectacle. Pourtant « le théâtre est toujours là, comme vous madame la ministre », rétorque Caroline Vigneaux. « Moins d’embrouille plus d’Anouilh, (…) moins de guerre, plus de Molière », a-t-elle ajouté. Au fil des discours, les messages de résistance et de lutte se sont enchaînés et ont redoublé d'intensité. Une façon de montrer que l'union fait la force. La standing ovation de l'ensemble de l'audience, sauf de la ministre, qui a suivi le discours de Didier Brice, était une image d'autant plus parlante.
Une victoire sans précédent pour Le soulier de satin et Du charbon dans les veines
Les Molières 2025 resteront gravés dans les mémoires, c’est incontestable. Mais le souvenir de la quantité de statuettes dorées remportées par les pièces Le soulier de satin, jouée à la Comédie Française, et Du charbon dans les veines au Théâtre Saint-Georges, lui, sera éternel. À elles deux, elles ont remporté dix des 19 précieux trophées décernés ce soir-là. Les Molière de la Mise en scène d'un spectacle de Théâtre public pour Éric Ruf, Molière de la Comédienne dans un spectacle de Théâtre public pour Marina Hands, Molière du Comédien dans un second rôle pour Laurent Stocker, Molière de la Création visuelle et sonore et le prestigieux Molière du Théâtre public ont été accordés au Soulier de satin. Du charbon dans les veines a, quant à elle, été couronnée du Molière du Théâtre privé, du Molière de la Mise en scène d'un spectacle de Théâtre privé et du Molière de l’Auteur·rice pour Jean-Philippe Daguerre, ainsi que du Molière de la Comédienne dans un second rôle pour Raphaëlle Cambray et du Molière de la Révélation théâtrale féminine pour Juliette Béhar.
©Lucie Guerra
Les Molières de la jeunesse et de l'intemporalité
Plus que jamais, la jeunesse a été saluée lors de cette cérémonie, illustrant le perpétuel renouvellement du monde du spectacle vivant. Face à Axel Auriant qui restera Numéro Deux, c'est Vassili Schneider qui a remporté le Molière de la Révélation masculine pour La prochaine fois que tu mordras la poussière, une adaptation de l’ouvrage de Panayotis Pascot, mise en scène par son frère, Paul Pascot. Un précieux sésame pour une pièce qui sera de retour sur les planches au Théâtre Antoine du 21 mai au 7 juin, après avoir affiché complet des semaines durant au Théâtre du Petit Saint-Martin. Comment se sent-on à l’idée de remonter sur scène après avoir gagné le Molière ? « Peut-être que ça met une pression en plus, mais je suis tellement heureux et ravi de remonter sur scène pour faire découvrir ce texte à ceux qui ne l’ont pas vu et de le retrouver tout simplement, on ne s’est pas vus pendant deux mois », nous confie le jeune lauréat.
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Du côté du meilleur spectacle d’humour, ce n’est autre que Paul Mirabel, dont toutes les dates pour 2025 affichent déjà complet, qui a obtenu le Molière. Une véritable revanche pour l’humoriste de 29 ans : « Merci au Cours Florent de ne pas m’avoir gardé en disant que le stand-up n’était pas un art, je suis content de vous avoir prouvé le contraire », confie-t-il lors de son discours. « L’enfant que j’étais aurait rêvé de faire ce métier et là je le fais », ajoute-t-il avec émotion à la sortie. Le Molière d'honneur a été décerné à Thomas Jolly pour les cérémonies d'ouverture et de fermeture des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. « Le théâtre et l'olympisme sont cousins, ils sont nés dans le berceau de la démocratie », a-t-il affirmé. Entrecoupée d'extraits des performances des Misérables ou de La Haine, cette soirée a été la preuve que le spectacle vivant, bien que « rien n'est jamais aquis », est plus intemporel que jamais, plus attractif que jamais, plus brillant que jamais.
Les autres lauréats des Molières 2025
Molière de la Comédie : The Loop, de Robin Goupil, mis en scène par Robin Goupil au Théâtre des Béliers Parisiens
Molière du Seul·e en scène : Pauline & Carton avec Christine Murillo à La Scala Paris et Artistic Athévains
Molière du Comédien dans un spectacle de théâtre privé : Guillaume Bouchède dans Les marchands d'étoiles de Anthony Michineau, mis en scène par Julien Alluguette
Molière de la Comédienne dans un spectacle de théâtre privé : Delphine Depardieu dans Les liaisons dangereuses de Arnaud Denis, mis en scène par Arnaud Denis
Molière du Comédien dans un spectacle de théâtre public : Denis Lavant dans Fin de partie de Samuel Beckett, mis en scène par Jacques Osinski
Molière du Spectacle jeune public : Ulysse, l'odyssée musicale de Ely Grimaldi et Igor de Chaillé, mis en scène par Guillaume Bouchède
Molière du Spectacle musical : Les Misérables de Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg, mis en scène par Ladislas Chollat au Théâtre du Châtelet
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