Vive les boutons, #l’acnépositivity au goût du jour sur Instagram

undefined 18 juin 2018 undefined 17h29

Marie Tomaszewski

Une personne atteinte d’acné c’est bien connu ne se lave jamais le visage, a une alimentation exécrable et fume comme un pompier. En clair, sa peau, son enveloppe de chair est le reflet fidèle de ce qu’elle fait subir à son corps et de son mode de vie dissolu. Alors certes on la plaint la pauvre, avec son visage ravagé, mais elle l’a (un peu) cherché quand même.

Ce genre de conneries raccourcis et de pensées clichés ne peut émaner que d’une personne qui n’a jamais connu un soupçon d'acné, qui n’a jamais eu à pâtir du moindre point noir, comédon ou nodule. Tout acnéique est bien placé pour savoir qu’il aura beau se rincer le visage deux fois par jour, arrêter la charcuterie et le fromage (snif), se protéger du soleil, ses boutons et plaques rouges lui feront un accueil triomphant chaque matin dans la glace de la salle de bain, lieu lugubre où est sacrifié sa confiance en soi sur l’autel des apparences. Car, ce qu’oublient les horripilants moralisateurs qui se positionnent en experts et grands prêcheurs de la peau parfaite, c’est que certaines personnes vivent très mal l’insubordination de leur derme indiscipliné, qui refuse de se conformer aux diktats de la beauté.

Une enquête menée par l'Université de Calgary (Canada) et publiée dans le British Journal of Dermatology en février dernier, révélait à ce propos l’ampleur des effets négatifs qu’aurait l’acné sur le moral, en démontrant un lien de cause à effet entre acné et dépression.

Génératrice de complexes, l’acné causerait une perte d’estime de soi telle que certaines personnes restreindraient leurs sorties en extérieur pour ne pas être confrontées au regard de leurs semblables. La chercheuse à l’origine de l’étude, Isabelle Vallerand, confirme “cela montre à quel point notre peau peut avoir un impact sur notre santé globale". Sur un échantillon de 1 134 427 sujets souffrant d’acné et 1 731 608 en étant exemptés, suivis sur quinze ans, 18% des personnes atteintes d’acné présentaient un risque de tomber en dépression contre 12% pour les individus épargnés.

Dans une société du paraître, où il fait bon d’afficher son meilleur profil sur son realinsta (compte instagram officiel), les peaux boursouflées ou rougies sont souvent dénaturées à coup de photoshop et de filtres. Mais depuis qu'a émergé un mouvement de bodypositivism (notamment observable avec #ObjectifBikiniFermeTaGueule, #NoMakeUp), les adolescents affichent de plus en plus leurs peaux au naturel, avec leur défauts et imperfections au grand jour des réseaux sociaux, sous le hashtag #AcnePositivity ou #SkinPositivity.

La tendance est impulsée par des influenceurs, comme la bloggeuse anglaise Em Ford, suivie par des millions d’abonnés, qui réalise des tutos beauté où elle apparaît sans fond de teint. On vous invite à consulter sa vidéo You Look Disgusting ("Tu ne ressembles à rien"), sortie en 2015, qui a fait d’elle une icône du mouvement.

Autres sources d’inspirations de millions d’adolescents rongés par l’acné et le mal être, Hailey Wait, qui du haut de ses dix-huit ans, comptabilise plus de 300 abonnés, Chessie King qui a dévoilé son acné pour le World Mental Health Day, et Kendall Jenner qui ne s’en cache pas dans ses tweets.

La multiplicité des comptes dédiés comme Love Your Acne, Accutanee Babe, Acne Positivity, My Face Story ou Roaccutane Diaries témoigne aussi de l’ampleur prise par ce phénomène et donne une teinte plus humaine à Instagram, réseau dont la nocivité a déjà été prouvée par plusieurs études.

Des artistes se sont aussi attelés à démocratiser et célébrer la diversité et la singularité des peaux sur internet, comme le photographe Peter de Vito, lui même atteint d’acné. Les interfaces virtuelles renvoient enfin une vision réaliste de notre interface de chair, longtemps falsifiée par la mode et la publicité.

En conclusion, vive les boutons et aimez vous comme vous êtes !