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Bientôt des wagons réservés aux femmes dans les transports franciliens ?

undefined undefined 4 novembre 2025 undefined 18h00

Jérémy Pennors

Chaque jour, des millions de Franciliennes prennent les transports pour aller travailler, étudier, ou simplement rentrer chez elles. Et chaque jour, beaucoup le font avec la boule au ventre. Selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes, 80 % des usagères déclarent « rester en alerte » dans les transports en commun, et plus de la moitié disent ne pas s’y sentir en sécurité, un chiffre qui grimpe à 81 % après 22 heures.

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C’est de ce constat qu’est née, fin octobre, une pétition mise en ligne sur Change.org par une voyageuse du RER C, réclamant des wagons réservés aux femmes et aux enfants. Son texte dénonce « un sentiment constant de vulnérabilité et d’inquiétude » et appelle Île-de-France Mobilités (IDFM) et la SNCF à « assurer une sécurité réelle et visible ». Inspirée d’exemples venus de l'étranger, l’initiative propose un projet pilote, une signalétique claire et un renforcement des dispositifs de surveillance.

La pétition, lancée le jour même d’une tentative de viol dans le RER C, a rapidement recueilli plus de 20 000 signatures.


Des soutiens, des critiques… et un débat de fond

Si de nombreuses femmes saluent l’idée d’une alternative plus sûre, la mesure continue pourtant de diviser. Du côté d’Île-de-France Mobilités, il n’est pas question de créer des wagons non mixtes. L’autorité organisatrice préfère miser sur les trains dits boa (entièrement ouverts et censés briser l’isolement) ainsi que sur le renforcement de la vidéosurveillance, la présence d’agents de sécurité et le numéro d’urgence 31 17. Le vice-président d’IDFM, Grégoire de Lasteyrie, a d’ailleurs précisé ce mardi qu’aucun projet de wagons réservés aux femmes n’était à l’ordre du jour

Du côté des signataires, le sentiment est partagé entre espoir et résignation. Certaines voient dans ces wagons une solution concrète, à défaut d’un changement immédiat des comportements. « Je prends le RER tous les jours, y compris tard le soir. J’ai été dérangée, parfois agressée. Savoir que je pourrais avoir une alternative ne ferait de mal à personne », écrit une utilisatrice.

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Mais le débat a aussi pris une tournure plus sombre. Sous la pétition, de nombreux commentaires racistes ont fleuri, ciblant l’origine de certains agresseurs. Une dérive immédiatement dénoncée par d’autres femmes dans les commentaires : « Le problème n’a rien à voir avec les personnes racisées mais avec tous les hommes en général. On veut juste arrêter d’être sexualisées, objectifiées et dérangées en permanence. Le vrai ennemi, c’est le patriarcat, pas une communauté ».

D’autres signataires rappellent que le féminisme ne doit jamais être instrumentalisé pour nourrir la haine. « Je vois des commentaires racistes souiller la noble cause défendue par cette pétition. L’affaire Pelicot, ça vous parle ? Les agresseurs étaient étrangers peut-être ? » s’indigne une internaute, quand une autre ajoute : « Le racisme qui se dégage de certains commentaires est une horreur. Le féminisme ne doit jamais devenir un prétexte pour des discours suprémacistes ». 


Ailleurs, ça existe déjà (et ça marche)

Pour le chercheur en psychologie sociale Raphaël Adamczak, ce sentiment d’insécurité a des conséquences bien réelles. « Il peut amener une femme à restreindre ses choix de domicile, de lieux ou d’horaires de travail, limitant son accès à l’emploi, à la culture et à la vie sociale », explique-t-il. En d’autres termes, le sexisme ordinaire dans les transports renforce les inégalités de genre.

Et si la France suivait l’exemple d’autres pays ? Au Japon, en Inde, au Mexique, à Dubaï ou encore en Allemagne, des wagons réservés aux femmes existent déjà, parfois depuis plus de vingt ans, et ont contribué à renforcer le sentiment de sécurité des passagères. Ces expériences étrangères inspirent donc aujourd’hui la pétition, qui demande à Île-de-France Mobilités et à la SNCF de lancer un projet pilote sur une ligne de RER, avec signalétique claire, surveillance accrue et évaluation indépendante.

Faut-il pour autant réserver des wagons ? La question divise, mais elle met surtout en lumière une urgence : celle d’un espace public réellement sûr et inclusif. Car si les caméras et les trains interconnectés peuvent aider, aucune technologie ne remplacera une politique ambitieuse de prévention et de sensibilisation.

En attendant, la pétition continue de tourner. Et même si les wagons roses ne verront sans doute pas le jour demain, elle aura au moins réussi une chose : remettre la sécurité des femmes au centre du débat public.