Témoignages : leurs expériences homosexuelles qui ont changé (ou pas) leur sexualité

undefined 31 mars 2021 undefined 13h56

Cindy V

Les clichés disent qu’une personne qui a eu une relation avec une personne de même sexe/genre sera forcément homosexuelle, à vie. Sinon elle devra se définir comme bisexuelle. Ces étiquettes peuvent aussi devenir des pressions que la société nous impose pour nous qualifier selon certaines cases, après un acte ou deux hors du cadre hétéronormé. Nos sept parisien.ne.s nous racontent comment iels dépassent ces barrières de l’hétérosexualité.

 

« Je découvre ce soir-là que je sais faire grimper une femme aux rideaux » Laetitia, 27 ans

« J'ai toujours voulu essayer avec une femme, elles sont magnifiques les femmes. Et puis un jour je me retrouve dans le lit de la jolie Karen. Elle est superbe, drôle et naturelle. Je découvre ce soir-là que je sais faire grimper une femme aux rideaux, probablement grâce à mes nombreuses anciennes pratiques en solo.

Malgré des galipettes fort sympathiques, je réalise qu'au fond c'est pas vraiment mon truc. Plus que pour ce petit détail précieux qu'on imagine chez eux, il semble que je sois attirée par les hommes, à la fois pour leurs forces et pour leurs fragilités. Malgré tout je me rappelle que chaque être humain est unique, que chaque relation l'est tout autant et que ces possibilités créent donc des millions de raisons de garder l'esprit ouvert sur la suite de mes aventures. »

 

« Je n'exclue pas de tomber amoureux d'un homme un jour, même si cela ne m'est encore jamais arrivé », Thomas*, 33 ans.

« Ma première fois avec un homme, c'était en vacances au Brésil. Je l'avais rencontré sur une app utilisée par les voyageurs qui souhaitent rencontrer des gens sur place (pas une app de rencontre à la tinder, donc). On a sympathisé, il m'a invité à boire une bière chez lui et les choses se sont un peu échaudées. La chose m'a plu sexuellement parlant, mais il n'y avait rien de romantique. Par la suite, j'ai renouvelé l'expérience, sans qu'il y ait vraiment quelque chose de plus que le sexe.

À l'heure actuelle, je me vois plus en couple avec une femme qu'avec un homme, mais je ne sais pas si je me considère pour autant 100% hétérosexuel. Je n'exclue pas de tomber amoureux d'un homme un jour, même si cela ne m'est encore jamais arrivé. C'est juste que dans les relations homosexuelles que j'ai eu jusque-là il n'y avait pas tellement d'attachement romantique et que je ne suis jamais véritablement tombé amoureux d'un homme. »

 

« Même si je n'ai toujours pas couché avec une fille, je me sens bisexuelle et mon inconscient le sait » Elise, 24 ans

« Ca m’est arrivé plein de fois des bisous avec des filles, même mes premiers baisers à 14 ans c'était avec des amies, c'était pour rire, mais moi ça me plaisait en soi ! Après j'ai couché et suis tombée amoureuse de garçons, j'aime beaucoup leurs corps et ce qu'ils permettent. Mais ça m'empêche pas de regarder les filles et de les désirer. Quand une fille lesbienne m'a invitée chez elle pour regarder un film j'ai dit oui, et j'ai été surprise de voir que j'appréciais sa drague, que ça m'intriguait positivement.

Mais je ne voulais pas qu'elle croit qu'elle n'était qu'une 'expérience' dans ma vie d'hétérosexuelle, parce que c'est une personne et pas un moyen. Du coup j'ai attendu. Aujourd'hui même si je n'ai toujours pas couché avec une fille, je me sens bisexuelle et mon inconscient le sait aussi puisque je commence à rêver de filles au lit aussi bien que de garçons (rires) »

 

« La masculinité « dans la norme » est énormément ennuyante ! » Rodrigo, 30 ans :

« En grandissant dans un entourage voyant une masculinité plutôt macho au Pérou, je ne me suis jamais retrouvé dans les représentations hétéronormatives. Je sentais que ces normes envahissaient tout : la corporalité, l’expression des émotions, les loisirs attendus pour un jeune homme. J’ai en eu marre de tout calculer dans un truc que je ne sentais ni naturel ni raisonnable. Du coup, ça m’a poussé à chercher une construction plus personnelle de ma masculinité, plus à moi. Parce que, soyons sincères, la masculinité « dans la norme » est énormément ennuyante ! Et ça va au-delà de la sexualité, bien sûr !

Je ne crois pas que cela ait avoir avec l’hétérosexualité exclusivement, pour moi il s’agit de la masculinité en général. Ça signifie explorer des désirs sexuels soi disent « dissidents », mais aussi de changer un peu les habitudes. Dans ma jeunesse, tout ce qui sortait de la norme très rigide de la masculinité était un truc de cabros [équivalent de « pédés », littéralement « le mâle de la chèvre » ou le bouc, en espagnol]. Bien sûr, se faire des bisous avec des copains était une chose de cabros mais aussi ne pas jouer au foot, parler avec les filles, faire du théâtre, courir bizarrement ou je ne sais pas quoi. Est-ce que ça c’est la sexualité tout court ? Pour moi il s’agit de redéfinir la masculinité, de la rendre moins limitante. »

 

« Ce n’est que de l’ordre sexuel » Maria*, 32 ans

« J’ai déjà eu des attirances et du désir pour une personne du même sexe que moi. Mais je crois que ce n’est que de l’ordre sexuel, car je n’ai jamais ressenti l’envie d’être en couple avec.

J’ai déjà eu des rapports sexuels avec certaines, et avec d’autres non, c’est juste resté en mode attirance, pour ne pas gâcher nos relations amicales. Je me sens hétérosexuelle car je ne m’imagine pas du tout avoir de relation de couple avec une fille et que j’aime plus les hommes je pense… Je ne sais pas comment me définir en fait. Je suis peut-être bi, tout simplement. »

 

« Avec une fille ça m’a toujours fait peur, ça me semblait moins « facile ». » Tatiana, 25 ans

« J’ai le sentiment d’être étiquetée hétéro parce que j’ai pris des mécanismes de séduction qui étaient adressés aux mecs. On m’a collé une étiquette de meuf jolie, qui se fait belle pour plaire aux hommes. Ces mécanismes de séduction étaient presque mimés par les mecs. A une époque je pensais qu’être féministe c’était vivre ma sexualité « comme un mec » : libre, au point de faire du mal à des personnes. J’ai très souvent fait le premier pas, par exemple.

J’ai toujours eu un rapport un peu spécial avec ma sexualité et les mecs, j’en suis arrivée à exister presque que pour être validée par eux et à les faire passer avant moi, avant tout. J’aime les mecs mais ils m’ont un peu saoulée, j’avoue (rires). Par contre avec une fille ça m’a toujours fait plus peur, parce que ça me semblait moins « facile ». A la base j’ai du désir pour les meufs, et avec le temps de plus en plus. Maintenant je me sens mieux avec moi-même, plus indulgente envers moi et les autres. Et plus j’apprends à mieux aimer (parce qu’il est question d’amour aussi) alors je n’exclus pas le fait de tomber amoureuse d’un autre genre. Je me considère comme « hétéro-flexible ».

Mes expériences avec les filles, ça a été en trio avec un mec, deux fois. Dont une fois où la fille ne voulait pas toucher le mec, et on a fini par continuer de notre côté toute les deux, ce qui ne m’a pas déplu. Ça me permettait d’avoir le contrôle, de faire le premier pas, et de les tej après. Mais je me suis retrouvée aussi dans des bourbiers à cause de cette histoire. »

 

« C’était assez libérateur comme sensation, comme si on faisait quelque chose d’interdit. » Maëlle*, 22 ans

« Je crois que j’aurai envie de me catégoriser comme une personne bisexuelle, tellement j’ai aimé mon expérience homosexuelle et que j’aime ma relation hétéro actuelle. Mais ça n’aurait pas trop de sens, je crois. Ça s’est passé avec une meuf comme moi, qui n’avait jamais tenté avec une autre. On était colocataires et amies, et à un moment j’ai eu une folle envie de l’embrasser. Les choses ont continué très vite, passionnément.

C’était assez libérateur comme sensation, comme si on faisait quelque chose d’interdit. Mais après, j’ai eu des sensations vraiment similaires avec un mec, et je suis tombée amoureuse de lui. Je pense que tout le monde doit être hétéro-curieux.se ou au moins tenter l’expérience, que personne ne doit rester dans l’ignorance de ce qu’il pourrait se passer. »

*certains prénoms ont été modifiés